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samedi 2 novembre 2013

À la recherche de la machine à café idéale



Je partageais ici avec vous il y a plus de trois ans mes réflexions sur le système Nespresso. J'avais alors reçu une machine Nespresso en cadeau et je découvrais les joies de l'espresso allongé du matin de semaine qu'on boit à la maison, par opposition au gros café industriel acheté sur le chemin du bureau.

Depuis, bien de l'eau a coulé sous les ponts et bien du café dans les tasses. Ma machine, toujours en bon état, m'a rendu de fiers services. Malgré tout, il y a quelques mois j'ai décidé de passer à autre chose.

Peut-être cela pourra-t-il vous aider à faire vos propres choix? Voici le récit du processus ayant mené à l'acquisition de ma nouvelle machine. Je vous encourage aussi à jeter un œil au test comparatif de machines à cafés que le magazine de consommation Protégez-vous a publié récemment.

Nespresso: post-mortem


Réglons d'abord le cas de ma machine Nespresso.

De plus en plus, les capsules (alias dosettes) ont la cote. Nespresso, Keurig, Tassimo: que ce soit pour préparer le café espresso, le café filtre, voire le thé ou la soupe (?!), le marteking est soutenu, on nous vante le côté pratique, en oubliant souvent la question pourtant cruciale du goût.

Bientôt disponible: le boeuf bourguignon en capsule

Après trois ans à utiliser Nespresso, j'ai décidé que j'en avais simplement assez. Pourquoi donc? En guise de réponse, voici une petite analyse des avantages et inconvénients du système selon mon expérience.

Les avantages:
  • Coût raisonnable d'acquisition des machines d'entrée de gamme (200$).
  • Rapide et propre: c'est comme avoir une distributrice à café à la maison.
Les inconvénients:
  • Le prix des capsules: 68¢ à 72¢ l'unité, taxe et frais d'expédition en sus.
  • Le résultat très moyen des capsules en format espresso allongé (alias lungo) de 110 ml. Le café est correct, mais un peu fade. Il manque d'arôme et la crema ressemble à de la mousse. L'espresso standard de 40 ml est mieux, mais plutôt chiche. J'ai finalement découvert qu'à mon goût, l'idéal est de faire un double espresso avec deux capsules, mais à 2 x 68¢ = 1,36$ (sans compter les taxes et frais d'expédition), ça commence à faire cher.
  • Un système foncièrement peu respectueux de l'environnement: beaucoup de matériel et de déchets pour une petite tasse de café.
  • Un enrobage marketing péteux de broue au goût douteux (le Nespresso Club, les grands crus, Penelope Cruz en robe de soirée qui minaude, etc.), comme j'en parlais dans mon billet sur le sujet.

Bref, j'en avais marre de faire venir des capsules à coup de commandes de 100$ et de boire des cafés ayant à peu près toujours le même goût. Exit les capsules, il était temps de revenir au vrai café, fait de grains fraîchement moulus.

Quelle est donc la machine à café idéale?


Comme pour n'importe quel achat, il n'y a pas d'absolu, pas de critères parfaitement objectifs, contrairement à ce que pourrait le laisser croire les magazines de consommation du genre Protégez-vous. Au-delà des considérations cartésiennes et techniques, chaque consommateur a ses besoins propres et ses préférences, y compris des choses totalement subjectives et n'ayant rien à voir avec une grille d'analyse. (J'ajouterais: …et c'est un gars au caractère hyper analytique qui vous le dit).

Après plusieurs semaines de recherche sur le Web, j'ai donc opté pour une machine manuelle. C'est tout un changement pour quelqu'un qui utilisait une machine à capsules, totalement automatique par définition, mais c'est également conséquent avec l'évolution de mes besoins.

D'accord, j'ai considéré un moment l'achat d'une machine automatique. Vous savez, ces machines comportant trois réservoirs, un pour l'eau, un pour les grains de café et un troisième pour le lait, et qui produisent des cafés de tous styles sur simple pression d'un bouton. Mes recherches m'ont permis conclure que ces machines ne sont pas pour moi: elles sont plus chères, plus grosses, leur mécanique de précision et leurs multiples fonctions impliquent qu'elles sont davantage sensibles aux bris. Elles sont aussi réputées requérir plus d'entretien et être moins durables.

Au bout du compte, ces recherches préliminaires m'auront permis de mieux préciser mes besoins. Voici les principaux critères qui ont ensuite guidé mon magasinage: la machine de mes rêves serait manuelle, robuste, petite (en hauteur et en espace sur le comptoir), pas trop chère (maximum environ 500$), sans gadget qui brisent, sans trop de plastique.

Recherches, blogues et fétichisme


Mes recherches sur le web m'ont permis de constater encore une fois que, peu importe le sujet, il y aura des passionnés qui se regrouperont sur le Web dans des forums et des blogues pour échanger sur leur sujet de prédilection, à discuter de trucs hyper-pointus, en faisant une fixation maniaque pour les détails les plus farfelus. Tout cela tourne carrément au fétichisme et baigne souvent dans une espèce de mythologie plus ou moins ésotérique.

Un exemple. Je m'adonne à la course à pied et je n'en reviens pas de tous ces articles de blogue sur des techniques d'hydratation complexes, la lubie de la course pieds nus, les discussions à n'en plus finir sur l'alimentation, la façon de poser le pied par terre lors de la foulée, etc. Des sujets tellement spécialisés qu'ils ne concernent même pas 99% des coureurs, y compris les marathoniens ordinaires (dont je ne fais même pas partie, ou en tout cas à moitié).

On constatera sans doute le même phénomène pour chaque sport, pour l'œnologie, pour les automobiles, la philatélie, le scrapbooking, et toutes ces activités auxquelles s'adonnent les humains dans leur temps libre et pouvant faire l'objet d'une passion. (Je me permets d'ajouter que les blogues de bouffe et autres repaires de foodies ne font pas exception en matière d'exagération.)

Pour le café, les blogues de maniaques permettent de lire des pages et des pages d'analyses obsessives sur des sujets tels la température idéale du café, la finesse de la mouture, la qualité de l'outil qu'on utilise pour compresser le café dans le filtre, la pression appliquée à l'aide dudit machin, la densité et la couleur de la crema, etc. La communauté des baristas amateurs ne manque pas d'imagination et, ajouterai-je, semble avoir pas mal de temps à perdre. Faisant le tri dans cette masse d'information, assimilant tout ça, j'en suis surtout venu à la conclusion que je ne me prendrais jamais pour un barista et que mon besoin se limitait essentiellement à faire un bon petit café sans y mettre trop de temps et d'effort.

Cependant, au fil de mes lectures, je me rendis compte qu'une machine manuelle sortait du lot et se voyait régulièrement décernée par les amateurs le titre de machine à café mythique: la Rancilio Silvia. Il faudra bien que j'aille la voir, celle-là.

Cette machine à café fait l'objet d'une véritable culte

Magasinage


Une fois mes besoins de base définis – petite, manuelle, pas trop chère – et ayant la chance d'habiter Montréal, je me suis tourné vers trois détaillants spécialisés ayant pignon sur rue dans cette ville. Comme par hasard (hum, hum), ces trois détaillants se trouvent dans la Petite Italie. Il y a sûrement d'autres bonnes boutiques à Montréal, mais voici celles que j'ai visitées: Café UnionEspresso MaliFaema.

Ces visites m'ont permis de voir et toucher les appareils et de demander conseil aux vendeurs. C'est à cette étape que l'analyse objective se complète d'un aspect subjectif et personnel (design, qualité et solidité apparente, ergonomie, avis du vendeur, etc.) qui est à mon avis essentiel dans tout achat.

J'ai vaguement hésité à me procurer la fameuse Rancilio Silvia, motivé par les critiques dithyrambique et l'espèce de culte qu'on lui voue sur les blogues spécialisés, mais me suis vite raisonné. Selon mes besoins, cette machine s'avérait un peu trop chère, un peu trop grosse, réputée pour prendre pas mal de temps à se réchauffer et difficile à maîtriser.

Mon choix s'est donc porté sur la Quick Mill 0820, modèle d'entrée de gamme de la marque (italienne malgré son nom anglais), qui propose aussi une gamme de machines commerciales. J'aime bien son look rétro des années 70, qui a fière allure sur mon comptoir de cuisine.

 J'ai finalement jeté mon dévolu sur ce petit bolide

Conclusion


J'en conviens, j'ai payé cher pour une machine à la mécanique somme toute assez simple et à la carrosserie faite en partie en plastique. En général, les machines à café me semblent plutôt coûteuses pour ce qu'elles sont : une pompe, un chauffe-eau et de l'enrobage. Je n'ose même pas imaginer la marge de profit que se gardent ces détaillants spécialisés de la Petite Italie. Mais j'ai à peine dépassé mon budget et après quelques mois d'utilisation, je ne suis pas déçu de mon achat. Combiné à mon vieux moulin à meule Braun, que j'utilise à la position de mouture la plus fine, j'obtiens des doubles espressos pas mal du tout, à la crema très correcte et sans trop de taponnage.

Cette aventure de magasinage m'aura permis de découvrir que si jamais je veux devenir ceinture noire en café, il existe des dizaines de blogues pleins de Ti-Jos-Connaissants qui ne demandent pas mieux de partager leur science. En attendant, j'apprécie ma dose quotidienne et matinale d'espresso frais. Bon débarras, Nespresso!

[Note: toutes les images ont été piquées ici ou là dans le Web...]

dimanche 2 décembre 2012

Sept trucs infaillibles pour un Noël gastronomique

C'est bientôt le Temps des Fêtes™ et la saison des réceptions. C'est votre tour de recevoir la famille ou les amis et vous commencez déjà à angoisser : la soirée que vous offrirez à vos convives sera-t-elle à la hauteur?

Elle est bien loin, l'époque des Noëls d'antan, où matantes et mononcles, cousins et cousines se servaient à qui mieux-mieux dans un buffet composé d'un pain-sandwich, de céleris au Cheez-Whiz, de petites saucisses cocktails dans la sauce V-H et d'un mystérieux aspic multicolore venu de la planète Mars, le tout arrosé généreusement de Québérac en cruchon. C'était l'époque glorieuse des Recettes Kraft et des petits sandwiches pas de croûte, de la bûche de Noël Sara Lee et du Kik Cola. La vie était simple, les Québécois un peu rustres et la nourriture un prétexte pour que toute la famille, alors fort nombreuse, se retrouve chez grand-maman.

De nos jours, Noël et le jour de l'an sont devenus des fêtes au faste hollywoodien, où la paillette et le glamour sont de mise. La société québécoise moderne a atteint un degré de sophistication qui surprendrait Jehanne Benoît et Pol Martin. Tout le monde et son beau-frère est maintenant un chef ou un sommelier en puissance. Recevoir n'est plus un moyen de voir son monde, mais s'est transformé en un épisode (à grand budget, s'entend) d'Un souper presque parfait. Le cristal a remplacé les verres de plastique et le Pied-de-vent le Velveeta. Bref, qui dit réception du Temps des Fêtes™ dit maintenant cocktail dînatoire, repas sept services, plats somptueux, et accords mets-vins dûment documentés.

Les attentes des vos convives sont donc grandes. Comment les impressionner sans devoir vous taper l'intégrale des magazines Ricardo? Vous doutez de votre capacité à leur proposer une nourriture d'appellation gastronomique contrôlée? Les Becs fins ont pensé à vous! Voici sept trucs simples et infaillibles pour rendre vos plats gastronomiques et, au final, faire de votre réception un succès.

*

1- Ne mettez pas les aliments un à côté de l'autre dans l'assiette. Cette disposition est vulgaire et conventionnelle. Mettez-les plutôt un par-dessus l'autre. Votre assiette prendra instantanément un tour des plus gastronomique.

2- Il y a de ces ingrédients magiques qui ajoutent un petit je ne sais quoi qui fait toute la différence. Ainsi, transformez n'importe quel plat en plat gastronomique en l'aspergeant abondamment d'huile à la truffe. Vous verrez, il prendra instantanément un goût, euh, comment dire, gastronomique.

3- Mettez impérativement au menu de votre souper de Noël des fruits et des légumes d'été. Manger des aliments hors-saison est une preuve de luxe (à défaut d'avoir les moyens de s'acheter une maison d'hiver dans les Antilles). L'été, les fraises, c'est convenu. Par contre, l'hiver, bien qu'immangeables, elles deviendront hautement gastronomiques.

4- Plus le chef a de tatouages, plus les plats qu'il propose sont gastronomiques (et, accessoirement tendances et urbains). À Noël, surprenez votre maman en portant une chemise à carreaux aux manches roulées et en arborant des tatouages-fleuves sur les bras. Comme par magie, votre soupe aux pois au foie gras semblera tout droit sortie d'une cabane à sucre gastronomique.

5- Vous voulez jouer de prudence et vous en tenir à des recettes que vous maîtrisez bien. Qu'à cela ne tienne! Prenez n'importe quel plat banal, changez un peu la recette, accrochez-lui l'épithète revisité et – paf! – il devient gastronomique. Jamais n'aurez-vous cru pouvoir servir du pâté chinois au réveillon de Noël!

6- Vous le savez, on le répète souvent dans les émissions au Canal Manger, en gastronomie, il ne faut pas négliger la présentation. Déposé à plat dans une assiette, le manger n'est pas gastronomique. Mais le même manger, servit dans une verrine, une mini-cocotte ou une cuillère cocktail, emplira vos convives d'une satisfaction toute gastronomique.

7- Enfin, au risque de donner l'impression de nous contredire, sachez qu'en vertu d'une approche postmoderne ironique, les mets kitsch peuvent devenir hautement gastronomiques. Tout est dans l'attitude et l'intention. Présentez votre buffet comme un hommage néo-trash aux Noël de votre enfance et voyez vos convives s'exclamer, un verre de Cuvée des Patriotes à la main et la bouche en cul de poule: « Ma chère, ces œufs mimosa sont un délice! »

dimanche 25 novembre 2012

Pour en finir une bonne fois pour toute avec "la" (sic) sandwich

Mettons un moment de côté la gastronomie et parlons langue française.

Hier, alors que je vaquais à mes occupations du samedi, j'attrape au hasard une réplique provenant de la télé. C'était l'invitée à une émission culinaire qui parlait sans vergogne d'une sandwich et personne, des animateurs ou des autres invités, ne la corrigeait ou n'osait la corriger. Venant de quelqu'un soi-disant expert en gastronomie, ça m'a fait tiquer et j'ai impulsivement publié le message suivant dans Twitter, au nom des Becs Fins :


C'était, on le comprendra, un simple gazouillis du genre « Mononcle fait une petite montée de lait ». Rien de très profond. Il semble cependant que le syndrome de LA sandwich agace pas mal de monde, parce que ce gazouillis aura suscité quelques réactions spontanées (bon, d'accord, quand il s'agit de Twitter réaction spontanée est un pléonasme). En particulier, un lecteur me souligne que pour sandwich, les deux genres sont acceptés au Canada.

C'est à ce moment que s'installa un léger doute dans mon esprit. Parce que, je m'en confesse, je n'avais pas fait de recherche préalable sur le mot sandwich avant de publier mon gazouillis. Et si j'avais induit mes chers suiveux en erreur? Et si ce gazouillis s'avérait un couac?

* * *

Je m'en confesse, ça fait des années que je n'ai pas ouvert un dictionnaire. Un dictionnaire en papier, s'entend. Mes dictionnaires de tous les jours pour le français sont l'excellent dictionnaire du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), source fiable et issue de ressources publiques et universitaires françaises, et le Grand dictionnaire terminologique (alias GDT) de l'Office québécois de la langue française, un incontournable, surtout pour le lexique des domaines techniques.

Or, ces deux sources sont sans équivoque : sandwich est un substantif masculin. Le Grand dictionnaire va même jusqu'à mentionner: « Il s'agit bien d'un nom masculin (un sandwich)… ».

Dans sa Banque de dépannage linguistique (alias BDL), l'OQLF propose aussi un article intitulé Noms masculins que l'on emploie indûment au féminin. On y trouve le fameux sandwich, en compagnie notamment du pétoncle et de l'anchois. On précise aussi que certains de ces mots ont déjà été féminisés, et c'est notamment le cas de sandwich, ce qui pourrait expliquer que leur emploi au féminin persiste.

Enfin, notons que certains dictionnaires offerts gratuitement en ligne ou sous forme d'applications mobiles (par exemple celui-ci) utilisent les données issues du Littré, un dictionnaire datant du XIXe siècle, lequel définit sandwich comme un substantif féminin. L'article Wikipédia sur le dictionnaire Littré précise par ailleurs que ce dictionnaire « reflète un état de la langue française classique et du bon usage littéraire entre le XVIIe et le XIXe siècle.» Disons que je vais m'en tenir à mes sources habituelles, qui estoient plus contemporaines.

* * *

Bref, pour moi la question est close: sandwich – comme pétoncle, ustensile et arôme – est masculin. Ceci dit, je suis pour la liberté de parole et vous pouvez bien continuer à dire une sandwich si ça vous fait plaisir, mais maintenant le ferez-vous en toute connaissance de cause et à vos risques et périls.

dimanche 2 septembre 2012

C'est la saison des conserves!


Voilà quelques années qu'avec un groupe d'amis, nous nous retrouvons au début de septembre pour une corvée de conserves. Nous avions d'ailleurs fait un petit reportage sur le sujet il y a deux ans.

Disons-le, les choses ont pris au fil du temps des proportions semi-industrielles. Cette année, la journée de production a impliqué pas moins de :
  • une douzaines de participants;
  • pas loin de 12 heures de travail;
  • 4 brûleurs au gaz;
  • 500 livres de tomates, entre autres matières premières.

Le résultat: une production totale de 280 pots de six différentes préparations:
  • des tomates;
  • des cornichons à l'aneth (les bons vieux pickles);
  • des oignons perlés marinés;
  • de la marinade aux concombres (alias Bread and butter);
  • du ketchup aux fruits;
  • et un ketchup rouge, selon une recette prétendument ancestrale.

La quantité de pickles a été revue à la baisse : il nous restait tous plusieurs pots de l'an dernier. Par contre, bon an mal an, les tomates s'envolent toujours avec une belle constance et nous en avons produit encore cette année environ 150 pots. Une fois pelées, elles sont simplement cuites entière avec du basilic et du sel (et un peu de jus de citron concentré pour la conservation).


C'est la première fois que nous faisions des oignons marinés et nous avons bien hâte de goûter au résultat. D'autant plus que l'opération consistant à les peler s'est avérée fastidieuse, bien que nous les ayons d'abord dûment blanchis dans l'eau bouillante. Sans parler que les oignons perlés, même achetés en vrac, ne sont pas donnés. Ces petits oignons vaudront-ils leur pesant d'or et tout le jus de coude investi ? Suspense!

Cet hiver, les pickles et les oignons marinés accompagneront avec bonheur les raclettes et autres grilled cheese, tandis que toutes ces marinades n'attendent que la saison de la tourtière pour donner leur plein potentiel.

Et dans les mois qui viennent, à chaque fois que nous ouvrirons un pot, nous nous rappellerons avec nostalgie cette belle journée de fin d'été passée entre amis.


dimanche 15 juillet 2012

Bref éloge de Jacques Benoît

J’adore la prose et la philosophie du chroniqueur vin de la Presse, Jacques Benoît.

Son verbe est précis et il ne se lasse pas de vulgariser, définissant un terme spécialisé par-ci, expliquant un concept par-là. Vous ne verrez jamais Jacques Benoît poser en expert et jouer le curé en chaire qui tente d’imposer ses préférences. On le sent toujours conscient de la complexité de l’univers des vins et de l’extrême relativisme des goûts. Tout au plus soulignera-t-il qu’un vin sort des canons classiques en écrivant une formule telle que : « malgré tout très bon, dans son genre ».

Je découvre à l’instant que Jacques Benoît est aussi écrivain (six romans, un roman pour enfants et un essai biographique) et scénariste (La maudite galette et Réjeanne Padovani, c’est lui!). Voilà qui explique d’une certaine façon la grande qualité de sa plume comme chroniqueur.

Un exemple de ce que j’apprécie dans ses chroniques? Une phrase suffit. Ce week-end, Jacques Benoît  écrivait ceci : 

« Car comme toujours en matière de vin, il n'y a pas de règle absolue, chacun fait comme il l'entend. » 

I'll drink to that.

lundi 12 mars 2012

Du bon manger américain (revu et corrigé)

(Source: www.kfc.ca)
C’est après avoir vu une pub de PFK à la télé que je me suis rendu compte que le génial (pour les cardiologues) sandwich sans pain Double Down de PFK était maintenant disponible au Canada. J’ai donc écrit à chaud ce petit billet d’humeur/humour:

Nous vous parlions il y a presque deux ans d'une subtile création culinaire offerte par le pendant américain de la chaîne de restauration rapide PFK. Bonne nouvelle! Cet appétissant « sandwich » est maintenant disponible dans nos contrées et il porte le joli nom de Zinger Coup Double. Que du bon! Un sandwich fait de poulet, de panure, de bacon, de fromage et de mayonnaise... Je vous entends saliver d'ici!

Pardon? Vous vous inquiétez de l'absence de légume? Le légume, c'est celui qui tient dans ses mains cette horreur et la porte à sa bouche!

Or, un des abonnés de notre fil Twitter, @jessydiamond, a vite fait de nous aviser que nous étions en retard dans les nouvelles et que ce met raffiné était offert au Canada par la chaîne de restauration rapide à la recette secrète depuis un bon moment. En fait, nous expliquait-il, ce qui est nouveau ces jours-ci c’est l’appellation « Zinger » qui fait référence au fait que la mayonnaise est maintenant piquante. D’ailleurs, m’avouait-il du même souffle : « Si je suis au courant, c'est que mes artères y sont passées ! »

Ciel! Quel manque de rigueur de ma part! J’avoue que dans feu de l’action, cherchant surtout à amuser plutôt qu’à informer, j’ai failli à ma tâche de blogueur consciencieux, faisant par le fait même honte à la confrérie des blogueurs et autres foudizes.
(Source: Wikipedia)
Bref, après avoir remercié ce brave @jessydiamond (et m’être inquiété pour son taux de cholestérol), j’ai pris sur moi de m’informer un peu au sujet de cet inquiétant « sandwich » à la protéine et au gras appelé Coup Double (et Double Down en anglais). Voici quelques faits.

Le Coup Double a été offert pour la première fois par PFK au Canada en octobre 2010.

PFK l’a offert de nouveau au Canada à l’été 2011.

Enfin, il est disponible depuis hier avec une saveur plus piquante et ce, « jusqu'à épuisement des stocks ».

Pour conclure, voici les données nutritionnelles du machin en question:
- Poids : 204 g
- Calories : 530
- Gras : 26 g
- Gras saturés : 3,5 g
- Gras trans: 0 g
- Cholestérol: 70 mg
- Sodium: 1,33 g
- Glucides: 44 g
- Fibres: 2 g
- Sucre: 5 g
- Protéine: 31 g

Sur ce, bon appétit!

dimanche 26 février 2012

À la recherche du gentil poisson

La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille!

(Source: Wikipedia)

Nos choix alimentaires sont de plus en plus orientés par cette espèce de credo édicté par les chercheurs du domaine médical, les diététistes, les chroniqueurs du monde alimentaire et les médias généralistes. Notez que l’ordre de cette énumération n’est pas fortuite, les premiers nourrissant les suivants dans la chaîne (alimentaire) de l’information. Et nous, bon peuple, recevons comme des commandements ces édits, nous efforçons de nous y conformer, comme à une époque le bon chrétien connaissait par cœur son catéchisme et s’appliquait à vivre sa vie dans les limites des dix commandements et du sermon que le curé avait fait le dimanche précédent.

Le problème, c’est que cette doctrine alimentaire est en perpétuel changement et que ce qui était une vertu hier devient parfois aujourd’hui un vice; ce qui était un péché jadis peut soudain devenir une grâce.

Des exemples?
  • Le beurre contient du méchant gras animal, il vaut mieux manger de la margarine. Ensuite : La margarine contient du méchant gras hydrogéné, il vaut mieux manger du beurre.
  • Les œufs contiennent de méchants gras saturés : exit, les œufs. Puis, on se rend compte que les œufs, c’est une excellente source de protéine à bon marché et ça devient un aliment miracle.
  • La banane est un super fruit, énergétique, bourrée de potassium et quoi encore. Puis, un jour la banane est à proscrire : sa culture détruit les écosystèmes et la variété unique de banane que nous consommons est en voie d’extinction.
Je vous laisse compléter avec vos exemples favoris…

Ainsi, présentés depuis des années comme l’alternative obligée à la méchante viande rouge, les produits de la mer ont tout pour eux : c’est bon pour la santé, nous dit-on, il s’agit d’un bonne source de protéines, c’est peu gras, ou alors, le gras que ça contient a droit à l’appellation un peu magique de bon gras. Non mais, quel amateur de bonne chère peut être contre un concept aussi attrayant que du bon gras! Alors, soit. Mangeons davantage de poissons et de fruits de mer.

Le 128ième commandement

Or, ces dernières années, un nouveau credo s’est développé concernant le poisson et les fruits de mer : la pêche excessive, le dragage, certaines techniques de piscicultures, etc. mettent en péril les ressources et les systèmes écologiques aquatiques. Le poisson devient tout à coup moins vertueux. On nous dresse des listes d’espèces à éviter, qui comportent des produits aussi banals que la crevette et le saumon. Une fois au comptoir de poissonnerie, déchirés entre le 127ième commandement, « Poisson, tu mangeras », et le 128ième commandement, « Poisson mal pêché, tu ne mangeras point », nous ne savons plus très bien quoi faire. On se demande si la morue qu’on nous offre est en voie d’extinction. On scrute les crevettes surgelées, fasciné qu’elles nous viennent d’aussi loin (de Thaïlande ou de Chine) et on vient à se demander si les pauvres petites ont passé une belle vie de crevette. Et pour couronner le tout, on se trouve confronté à des espèces relativement nouvelles, aux noms bizarres et exotiques, comme le pangasius ou le tilapia (j’effleurais déjà la question ici il y a presque deux ans). Pangasius? C’est pas un dinosaure, ça?

Or, pour ce qui est de connaître l’origine de ce que l’on mange, pour ce qui est d’avoir le souci de ne pas détruire la nature et ne pas épuiser ses ressources, j’en suis. Ça ne relève pas du même dogmatisme que ces gens qui s’empêchent de manger tel ou tel légume parce qu’il n’apparaît pas dans le livre Les aliments contre le cancer ou qui évitent le vin blanc parce qu’il contient moins d’antioxydants. Il va de soi d’inclure dans ses choix alimentaires des considérations écologiques. L’accroissement combiné du nombre d’humains et de leur niveau de vie met une pression toujours plus grande sur l’exploitation des ressources disponibles, notamment l’eau, la nourriture et les matières premières. Dans les pays développés, en particulier en Amérique du Nord (y compris au Québec!) le niveau de vie frise souvent l’indécence, au point où il faudrait peut-être parler de niveau de luxe et de niveau de gaspillage.

Alors, qu’est-ce qu’il faut manger? Quels sont ces poissons et fruits de mer dits durables?

Le choix de David

Après quelques recherches, je trouve ce qui semble la version simple de la réponse à ma question : Les 10 meilleurs choix de produits de la mer de David Suzuki. En bref, voici ce que M. Suzuki nous propose :
  • Le maquereau.
  • La truite arc-en-ciel, l’omble chevalier et le saumon élevés en confinement total (pisciculture fermée).
  • Les crevettes nordiques capturées à l’aide de casiers.
  • Les moules, les huîtres, les pétoncles et les palourdes d’élevage.
  • Le homard.
Les gentilles crevettes nordiques (source: Wikipedia) 

La liste est courte. Je comprends qu’il s’agisse de « meilleurs choix » et non pas d’une liste exhaustive, mais ça limite considérablement les possibilités de menus et l’approvisionnement. Je constate aussi que cette liste propose des espèces du Québec, du Fleuve Saint-Laurent ou de l’Atlantique, privilégiant donc non seulement l’aspect « durable », mais local, ce qui est en soi une bonne idée. (Je remarque par ailleurs que la version anglaise de la liste est totalement différente et propose des espèces du Pacifique; ce clivage linguistique purement Est-Ouest me semble pour le moins simpliste!).

Mais là où ça devient compliqué, c’est qu’il n’est pas suffisant de faire ses choix uniquement selon la nature du produit acheté, par exemple l’espèce de poisson. Il faut également en connaître l’origine et par quelle méthode d’aquaculture ou de pêche il est issu. Par exemple, la liste de M. Suzuki précise : saumon élevé en confinement total et pétoncles d’élevage. Je ne sais pas pour vous, mais la dernière fois où, au supermarché, j’ai demandé au filet de saumon dans sa barquette de styromousse s’il avait été élevé en confinement total, il est demeuré muet comme une carpe. On peut bien sûr s’informer à son poissonnier (ou au serveur, au restaurant) de la provenance des produits. Et si l’on obtient une réponse – ce qui est loin d’être certain – encore faudra-t-il croire ces bonnes gens sur parole.

Bon. Disons que j’ai envie de manger du poisson qui ne soit ni du maquereau, ni de la truite. Disons que je veuille m’aventurer au-delà des meilleurs choix et goûter, allez, soyons fous, un deuxième choix?

Je pousse donc un peu mes recherches.

Les gentils et les méchants poissons

Je découvre le site de SeaChoice, un organisme canadien créé par la Société pour la nature et les parcs du Canada, la fondation David Suzuki, Ecology Action Center, Living Oceans Society et Sierra Club British Columbia. On trouve dans le site un guide pratique, disponible en anglais, ainsi qu’en chinois traditionnel. Les francophones dont le chinois traditionnel est un peu rouillé seront rassurés : une version en chinois simple est également proposée. Eh non, pas de version française: voilà un site typiquement canadien!

Un guide pratique, c’est bien, mais les plus branchés disposent d’outils bien plus puissants. Car j'ai aussi déniché deux applications pour appareils mobiles : l’application SeaChoice et l’application Ocean Wise. Ces deux applications ne sont malheureusement disponibles que pour les appareils iPhone et uniquement en anglais. L’application SeaChoice offre essentiellement une base de données des espèces marines, qu’on peut filtrer aisément selon trois catégories : Best, Concerns et Avoid. Pour sa part, l’application Ocean Wise offre une base de données similaire, quoique de consultation moins pratique. Elle propose aussi un outil de géolocalisation de restaurants et de commerces participant au programme Ocean Wise. Ce programme, une initiative de l’Aquarium de Vancouver, vise à améliorer l’offre des commerces canadiens participants (tout en faisant le marketing de sa marque). Je remarque que le répertoire des commerces participants est malheureusement de peu d’utilité pour les Québécois, avec seulement 16 participants à Montréal.

On voit que la documentation disponible est surtout en anglais. Ceci amène un défi supplémentaire aux francophones parce qu’il n’est pas toujours facile de connaître la traduction française exacte du nom des espèces marines.

Alors, que disent ces répertoires d’espèces marines de nos amis le tilapia et le pangasius?
  • Le tilapia d’aquaculture provenant d’Asie (dans notre économie made in China, je présume que c’est ce qui nous est offert) est à proscrire. À ce point-ci de mes lectures, le contraire m’aurait surpris.
  • Je ne réussi pas à trouver le pangasius dans le répertoire, ce nom étant trop général en anglais. Il s’agit d’un genre qui comporte plusieurs espèces. Rien non plus sous catfish. Par contre, selon Wikipedia, c’est un poisson d’élevage qui provient du Delta du Mékong en Asie, ce qui en fait sans nul doute un poisson à éviter.
C’est donc 2 à 0 pour le maquereau.

Le méchant tilapia (source: Wikipedia)

Que font les trois grandes chaînes d’alimentation canadiennes? Chacune fait valoir ses actions en matière d’approvisionnement en produits de la mer durables.

Je vous laisse juger si ces actions sont suffisantes à vos yeux. Mais notez que toutes ces chaînes vous proposeront à leur comptoir de poissonnerie les méchants tilapia et pangasius.

Adieu, poissons sauvages!

Peut-être faisons-nous partie des dernières générations d’humains à manger des poissons et fruits de mer sauvages. Comme la chasse et la cueillette furent jadis remplacées par l’élevage et l’agriculture, il semble que la pêche soit en train d’être remplacée par l’aquaculture. Ainsi, la nature des produits disponibles continuera de changer. L’aquaculture ne s’applique sans doute pas à toutes les espèces. J’espère pour vous que vous aimez la truite et le saumon, parce que ça pourrait peut-être un jour devenir les seuls poissons frais disponibles dans les frigos des supermarchés. Selon mon expérience de pêcheur sportif, une truite de pisciculture n’a pas la même apparence et le même goût qu’une truite sauvage : plus gras, plus gros, moins goûteux. Car si la pêche durable s’intéresse aux aspects écologiques, elle n’a que faire de la gastronomie. Il semble donc que nous devrons continuer à faire notre deuil de bien des choses. C’est très dommage, mais c’est un mal nécessaire.

Et puis, l’élevage mène naturellement à l’industrialisation et l’industrialisation mène souvent à l’artificialisation de la nourriture. Ainsi, aux États-Unis, le processus d’homologation d’un saumon transgénique va bon train (source : Le Devoir). Ce n’est sans doute qu’une question de temps avant que ce Frankenfish se retrouve dans nos assiettes (surtout dans le contexte d’un gouvernement canadien très favorable à la culture des OGM). Imaginez les belles piscicultures considérées « durables » et respectueuses de l’environnement, mais qui produisent des poissons OGM? Sauve qui peut!

Une solution qui demande des couilles

À mon avis, la seule façon bien informer le consommateur, de façon constante, claire et uniforme, serait un programme de certification et d’étiquetage par des organismes indépendant et crédibles. Cet étiquetage devrait s’appliquer au supermarché, à la poissonnerie et au restaurant, tant pour les produits frais que transformés. C’est le genre de chose que seule une intervention gouvernementale forte peut imposer, par exemple, par l’adoption d’une norme d’étiquetage national et obligatoire. Mais dans notre monde qui a peur des interventions gouvernementales, dans lequel les gouvernements sont obnubilés par les questions économiques, ce genre de scénario est malheureusement peu susceptible de se réaliser à court ou moyen terme. Déjà, les gouvernements canadiens et québécois se refusent à tout étiquetage des aliments transgéniques, alors imaginez si le développement durable les intéresse! À mon avis, la solution au problème demande des couilles. Et des couilles, comme les poissons, les gouvernements n’en ont pas.

En attendant, continuons à manger du poisson et des fruits de mer, mais demeurons vigilants, évitons les produits en danger ou de source douteuse. Référons-nous au besoin aux outils cités dans cet article. Nous vivons la fin d’une époque et il semble qu’il faudra faire notre deuil de certains produits. Et adapter nos recettes, voire abandonner certaines de celles-ci. La bonne nouvelle, c’est qu’on pourra par le fait même découvrir de nouvelles espèces, dont certaines sont locales et méconnues, voire oubliées.

Car bien que la méchante viande (rouge) soit énergivore, bien que le poulet soit maltraité, bien que le poisson devienne maintenant douteux, non, inutile d’insister, il n’est pas question que je me mette à manger du maudit tofu!

Mystérieux couteaux (Source: Wikipedia)

mardi 29 novembre 2011

Bref éloge du comptoir


Il peut être long, il peut être court, il peut être droit ou en L. C’est le nombril du bistro. C’est le repère des habitués, des vieux couples, des gens seuls et des retardataires sans réservation. Qui s’assoit au comptoir, du haut de son tabouret, domine la salle et lui tourne le dos. Déjà, c’est un signe de supériorité. Car au comptoir, c’est autre chose. On y est davantage du côté du personnel que de celui des clients. S’installer au comptoir, c’est être aux premières loges du spectacle, c’est être presque sous les projecteurs. On peut y voir le barman à l’œuvre, tel un maître de piste, qui prend les commandes, prépare les cocktails, remplit les verres de bière. On s’y sent en connivence. D’ailleurs, c’est le barman lui-même qui prendra souvent votre commande. Il vous fera goûter un vin, vous lancera un clin d’œil complice en plaisantant avec les serveurs. Au comptoir, vous faites un peu partie du club. Malgré cela, s’y installer n’exclut pas d’y trouver un peu d’intimité. Les couples y sont assis un peu de biais, épaule contre épaule. Les gens seuls s’y sentent bien; ils échangent des bribes de conversations avec le barman ou restent dans leur bulle, selon leur humeur. Car au comptoir, bien qu’on soit au centre de cet univers si frénétique qu’est le bistro, on peut oublier la salle et se retrouver seul dans la foule, au milieu du brouhaha, les sens tournés vers les plats et le vin. Vers l’essentiel, quoi.

Sans comptoir, le bistro n’existe pas. C’est bien la preuve que s’il en est le nombril, il en est aussi le cœur.

(Note: La photo a été copiée du site du restaurant L'Express.)

dimanche 2 octobre 2011

Du snobisme gastronomique


Il n’est pas rare que les chroniqueurs de la chose culinaire et autres foudizes amateurs, par leur recherche de ce qui est exclusif, rare ou tout simplement tendance, en viennent à pratiquer un pédantisme, volontaire ou non, qui finit par énerver un peu. On grince volontiers des dents en voyant Anne-Marie Withenshaw tout sourire se faire payer la traite dans les restaurants de Montréal et ses environs à l’émission Guide restos Voir. Devant la caméra, les serveurs et maîtres d’hôtel se fendent littéralement en quatre pour Anne-Marie et son invité(e); on leur propose les meilleurs plats et les meilleurs vins, devant une caméra qu’on devine pas du tout cachée. On se dit qu’on a rarement droit à toutes ces attentions quand on sort au restaurant et surtout pas les moyens de se payer ces bouteilles à 100 dollars. Idem quand une Josée di Stasio ratisse la planète à la recherche des produits, chefs et boutiques les plus pittoresques, cette chère Josée si décontractée, à tu et à toi tant avec la vendeuse de cette boulangerie mythique de Provence (qui moud elle-même sa farine à l’aide d’une meule millénaire) que cette fameuse chef vancouveroise, vous savez, celle qui a initié cette mode du manger vrai ou du retour à l’approvisionnement hyper-local ou du néo-traditionnel biologique ou quelque chose du genre. On se dit souvent que nous aussi, si on continue religieusement à collectionner des milles de récompense AIR MILES™ chez IGA, peut-être pourra-t-on un jour aller s’acheter nos tomates ancestrales dans un marché public de Toscane.  Aussi, à lire les Marie-Claude Lortie de ce monde, en venons-nous parfois à nous dire qu’en effet, au fond, on n’est qu’à quelques heures de vol de l’Islande, alors pourquoi pas se prendre une réservation pour vendredi soir prochain dans ce fameux restaurant de Reikjavick, celui qui sert son légendaire boudin de morse sur un lit de pergélisol comestible. Enfin, il y a aussi tous ces foudizes qui mentionnent dans leur blogue et leur fil Twitter les restos pas du tout bon marché qu’ils fréquentent, comme s’ils se payaient une bouffe gastronomique à tous les soirs de la semaine.

Bien sûr, nous convenons qu’une émission de télé ou une chronique (voire un blogue) sur la bouffe ne peut se limiter à parler de trucs inintéressants et banals. L’article sur l’art de la pomme de terre bouillie ne peut en effet que tomber à plat.  Il faut se forcer un peu, trouver le bon sujet, déceler la tendance, le truc spécial qui titillera le lecteur. Et les blogueurs parleront évidemment des bons restos qu’ils visitent.

Il m’arrive donc de craindre que notre blogue ne puisse donner l’impression que nous ne sommes que des snobs ou des parvenus sortant à tous les week-ends dans les meilleurs restaurants de la ville et nous complaisant à afficher ici notre mode de vie vachement trendy et jet set. J’ose espérer que certains articles plus humbles publiés ici contribuent à contrer en partie cette image; je pense par exemple à ces recettes ultrasimples (du genre : comment faire un sandwich) ou à ces suggestions de produits qu’on peut trouver dans à peu près n’importe quel supermarché. Les Becs fins ne sont pas millionnaires et bien loin de nous l’idée de péter plus haut que le trou. Et puis, si certaines personnes investissent leur argent dans un SUV ou un bain à remous extérieur, pour notre part, nous aimons nous payer un bon resto (et un voyage à l’étranger) à l’occasion.

Tout cela pour vous prévenir du sujet de mon prochain article : nous avons testé pour vous les olives sphériques de Ferran Adrià – oui, oui, le fameux plat-signature du grand (et très médiatique) chef catalan – lors d’une réception donnée dans un chic club privé de Madrid. Article à venir, d’ici une semaine, je l’espère.

Mais pour le moment, je dois vous laisser, Gontran, notre major d’homme, m’annonce que le petit-déjeuner est servi. Et je déteste que mon caviar soit trop chambré.

lundi 15 août 2011

Des tics et des blogueurs

La semaine dernière, les Becs fins étaient en vacances. Nous nous étions retirés dans les bois, à l’écart de toute civilisation et parfaitement à l’abri des ondes hertziennes. Là, nous avons lu des livres, fait du canot, observé des animaux sauvages et concocté des petits mets de camping, tels le hot-dog et la soupe en boîte. Lorsque nous sommes revenus en ville vendredi dernier, nous empestions encore le feu de camp, nous étions tatoués de piqûres de maringouins et j’avais une barbe de quelques jours. Nous nous sommes frayés un chemin dans le trafic jusqu’à la maison et, en voyant tout ce monde, en entendant tout ce bruit, en respirant cette pollution, nous avons certes eu envie de faire demi-tour, de retourner dans le Nord, d'abandonner notre vie et nos obligations, et de renouer avec ces racines sauvages qui habitent tout Québécois, oui, nous avons passé à deux doigts de fuir la ville et partir vivre pour de bon dans les bois, y vivre comme des êtres primitifs, à nous nourrir de hot-dogs et de soupes en boîte. Mais, bien sûr, il y a cette hypothèque à payer et ces trucs à terminer au bureau, et les amis, et les plaisirs de la vie en ville, et notre blogue, bien sûr, car en effet, de quoi parlerions-nous dans notre blogue si nous redevenions des êtres primitifs, de hot-dogs et de soupes en boîte, peut-être?

À peine étions-nous rentrés que, rattrapant le fil de l’Internet, nous découvrions que Twitter avait généré un buzz dans le petit monde des gastronomes amateurs (foudizes) québécois. Tout semble avoir commencé par deux articles de Nathalie Collard dans son blogue du journal La Presse (ici et ), à propos de l’ouverture du restaurant Laurier BBQ (pardons : le Laurier Gordon Ramsay), puis d’un article de Gina Desjardins dans le blogue Triplex de Radio-Canada, le tout suivi d’un déluge de retouittage. En gros, on dénonçait le fait que des blogueurs, achetés par des invitations et des cadeaux d’entreprises privées, perdraient tout sens éthique et touitteraient et blogueraient et facebouqueraient à qui mieux-mieux tout le bien qu’ils pensent des entreprises privées en question (et leurs produits) en oubliant de mentionner qu’ils avaient accepté une faveur. Le résultat serait ni plus ni moins que de la pub déguisée dont les blogueurs (et touitteurs) seraient les complices. Exemple : lorsqu’un blogueur se fait inviter par le propriétaire d’un grand resto et qu’il touitte en direct à quel point le foie gras poêlé ou les gnocchis aux truffes sont délectables sans dire qu’il ne paye pas l’addition, il fait preuve d’un manque d’éthique flagrant.

À lire cela, notre première réaction fut la surprise. Y a-t-il réellement des blogueurs qui se font inviter dans les grands restos (voire une rôtisserie) sur le bras du patron? Ciel! A-t-on manqué un épisode? Je tiens à rappeler aux propriétaires de grands restos que pour les invitations, notre adresse de courriel se trouve sous l’onglet À propos du présent blogue!

Plus sérieusement, nous sommes évidemment tout à fait d’accord avec l’opinion de Mme Collard. Profiter d’une plogue, s'en faire l’apôtre et ne pas mettre les choses en contexte, c’est franchement poche. Chez les Becs fins, nous croyons qu’être blogueur nous donne justement l’indépendance d’exprimer nos opinions et de partager notre passion de la bonne bouffe sans devoir rien à personne. D’ailleurs, il suffit de cliquer sur l’onglet À propos de notre blogue pour y lire notre ligne de conduite : notre blogue est « totalement indépendant et libre » et, ajoutons-nous : « Nous sommes de vrais humains et ne sommes pas affiliés à une entreprise, à un groupe agroalimentaire ou à une marque. » De toute façon, nous sommes bien trop insignifiants et, comme le diraient les gestionnaires de contenu, notre cercle d’influence est bien trop petit, ce qui fait qu’aucune entreprise ne nous a jamais sollicités. Tant mieux pour nous. Et gare à celles qui le feront : qui sait, notre objectivité/subjectivité pourrait, sans égard aux faveurs obtenues, nous faire mordre la main qui nous nourrit!

Quant au Laurier Gordon Ramsay, je dirai simplement qu’a priori, l’art du poulet barbecue ne me semble pas mériter qu’on y accole une quelconque aura gastronomique (svp, ne me partez pas sur la poutine et les mets de cantines revisités!). Je comprends que Monsieur Chose aime sauver les restaurants traditionnels, mais la réouverture du Laurier ne me dit rien de plus que si on lançait, mettons, le restaurant La Paryse Martha Stewart (ceci dit sans manquer de respect à la très respectable institution du hamburger qu’est la Paryse).

Bref, soyez rassurés : ici, aux Becs fins, nous continuerons à dire ce que nous pensons, à être broche à foin, à être nous-mêmes, à vous faire part de nos coups de cœur en toute subjectivité et à jouer parfois les ronchons. Car chez les Becs fins, malgré nos tics, nous nous targuons d’avoir l'éthique, à défaut d’avoir la toque!

dimanche 5 septembre 2010

Un party de conserves


Les amis se réunissent pour un party de conserves. L’objectif est de profiter de l’abondance des récoltes de la fin de l’été pour faire des provisions pour la froide saison. La tomate est bien entendu à l’honneur : la conserve de tomates maison est la reine des conserves, parce qu’elle permet de réaliser l’hiver venu un voyage dans le temps tout à fait fantastique : le pot ne contient pas que de la tomate, mais aussi un peu du soleil de l’été précédent. Rien à voir avec ces boîtes de tomates commerciales fades, bien que bourrées de sel.


La matière première impressionne par sa quantité. Mais nous savons que par la force du nombre (huit adultes et trois adolescents) et en travaillant fort, nous en aurons assez de la journée pour cuisiner en empoter tout cela. Voici l’inventaire :
  • 400 livres de tomates italiennes.
  • 120 livres de petits concombres.
  • Des oignons, des poivrons rouges et des poivrons verts.
  • De grosses bottes de basilic et d’aneth.
  • Du vinaigre, du sel et du sucre en quantité.
  • De l’ail, des graines de moutardes séchées, du curcuma moulu.
Nous ferons de tout cela principalement trois recettes : des tomates simplement parfumées de basilic, des marinades sucrées aux concombres (alias « Bread and butter ») et des cornichons à l'aneth.


Pour les tomates, la procédure consiste à les faire blanchir dans l’eau bouillante, puis à les peler. Nous gardons les tomates entières, c’est plus simple. Les tomates sont ensuite cuites. On les assaisonne de sucre, de sel et de basilic. On y ajoute aussi de l’acide citrique (du jus de citron concentré), question d’aider à la conservation. Lorsque les tomates sont cuites, il est temps de les empoter.

Les tomates perdent pas mal de liquide en cuisant. Une fois les tomates mises en pot, il reste dans la marmite un jus qui sent bon la tomate et le basilic. Pas question de jeter cette merveille! Allez, on se fait des pots de jus de tomate!


Nous préparons les marinades sucrées aux concombres. Nous tranchons les petits concombres à l’aide d’un robot. Nous éminçons des oignons et hachons grossièrement des poivrons rouges et verts. Nous mettons ces légumes dans de grands récipients, y ajoutons une généreuse quantité de sel et quelques glaçons. Nous couvrons les récipients, les mettons à l’ombre où la préparation macèrera quelques heures.


Plus tard, nous faisons bouillir un mélange de vinaigre, de sucre, de graines de moutarde et de curcuma. Nous drainons l’eau des légumes, les versons dans une marmite, y ajoutons la préparation de vinaigre et ramenons le tout à ébullition. Ensuite, c’est l’empotage.


J’adore les cornichons marinés (fameux « Dill pickles »). Pour les préparer, on fait bouillir du vinaigre, de l’eau et du sel. On met dans chaque pot quelques branches d’aneth, deux gousses d’ail et les cornichons. Ceux-ci ont reposé jusque-là dans l’eau glacée. On verse la préparation au vinaigre dans chaque pot. Le tour est joué!


J’allais oublier. Nous avons aussi essayé cette année une recette de poivrons marinés. Les poivrons, grillés sur le barbecue, ont été mis en pot avec une préparation au vinaigre de vin rouge. L’étape consistant à peler et parer les poivrons fut laborieuse, mais le travail sera récompensé lorsque nous les dégusterons l’hiver venu!

Tout cela a l’air bien simple, et l’est effectivement. Le défi de la préparation des conserves vient de la quantité de légumes et de pots à gérer, et du respect de la procédure adéquate : bien laver et stériliser les pots (le lave-vaisselle est l’outil idéal pour ce faire), stériliser les couvercles métalliques, bien faire bouillir les pots qui viennent d’être remplis, etc.

Mais tout ce travail est largement récompensé. Le résultat :
  • 153 pots de tomates.
  • 51 pots de cornichons.
  • 36 pots de marinade sucrée aux concombres.
  • 15 pots de jus de tomate.
  • 11 pots de poivrons marinés.
  • 4 pots de purée de basilic (parce qu’il restait une tonne de basilic frais, nous l’avons passé au mélangeur avec de l’huile d’olive et quelques gousses d’ail).
En prime, nous avons passé une superbe journée entre amis, à œuvrer à un objectif commun. La corvée s’est terminée tard, nous étions courbatus, mais fiers de notre réalisation. Allez, un petit verre de rouge!


* * * 

Vous aurez compris qu’il ne s’agissait pas ici de vous donner des recettes en bonne et due forme, ni de faire un traité sur les techniques de conservation, mais bien de partager avec vous le plaisir de la chose. Si l’expérience vous intéresse, voici quelques références.

La recette de marinade sucrée aux concombres utilisée comme canevas à notre production industrielle, provient du site Recettes du Québec. Idem pour la recette de cornichons à l’aneth. Vous pouvez aussi aller jeter un œil au site de Bernardin, fabricant de pots pour conserves, pour quelques conseils. Je recommande fortement de lire un peu sur les bonnes pratiques de la préparation de conserves avant de vous lancer la première fois, question d’éviter les déceptions.

En espérant que ce billet vous aura donné le goût des conserves maison!


samedi 31 juillet 2010

jeudi 25 mars 2010

Poissons exotiques

Est-ce dû à la mondialisation ou à l'épuisement des stocks dans l'Atlantique Nord? Depuis quelques années, on nous vend en masse dans les supermarchés des poissons dont on n'avait jamais entendu le nom auparavant. Tilapia? Pangasius? Ce que je lis à leur sujet dans Wikipedia ne me rassure guère. J'en comprends qu'il s'agit probablement de poissons d'élevage, provenant d'Afrique, du Moyen Orient ou d'Asie du Sud-Ouest. Mahi-mahi? Makaire? Poissons d'eaux chaudes. J'achète aussi sans trop regarder de ces grosses crevettes tigrées qui proviennent d'élevages d'Extrême Orient.

Mea culpa! Je dois faire mes devoirs et changer mes habitudes.

Mais reste-t-il des poissons dans le Golfe du St-Laurent et dans les Maritimes? Si possible, des poissons qui ont déjà nagé librement dans la mer et qui ne sont pas le produit de l'aquaculture? Sur cette page du site de Pêches et océans Canada qui répertorie des espèces de la zone côtière du Canada atlantique, je reconnais entre autres:
  • Aiglefin
  • Flétan
  • Goberge
  • Hareng
  • Maquereau
  • Morue
  • Sébaste
  • Turbot
Bon, c'est noté. J'essaierai dorénavant de faire un effort.

mercredi 27 janvier 2010

Attention, végétaux méchants !

Pourquoi les fruits et les légumes sont-ils si bons pour la santé ?

La réponse peut sembler triviale à prime abord. Cependant, si on y regarde de plus près, l'explication ultime force l'émerveillement devant ces êtres vivants qui occupent le bas de la chaîne alimentaire et qu'on tend à considérer comme étant complètement sans défense.

En réalité, étant privées de pattes pour fuir, de becs ou de dents pour contre-attaquer, les plantes se sont constituées tout un arsenal chimique afin de se défendre contre les maladies ou les parasites potentiels.

Ce sont donc ces substances antioxydantes, antibactériennes, antifongiques, etc., présentes en si grande quantité dans les fruits et les légumes, qui constituent leur moyen de défense et qui, par ricochet, leur confèrent des propriétés anticancéreuses.
En effet, que ce soit l'allicine présente dans l'ail, le sulforaphane qu'on trouve dans le brocoli ou encore le lycopène de la tomate, toutes ces substances offrent un effet protecteur pour qui les consomment.

Alors, pensez-y à deux fois la prochaine fois que vous serez tenté de croire que les plantes sont inoffensives !

dimanche 17 janvier 2010

Les mystères de la poutine

La poutine est un mets de cantine (dans le sens Québécois du terme, c'est-à-dire un comptoir de restauration rapide à l’américaine), au même titre que les hamburgers, hot-dogs, guédilles, club sandwichs et autres rondelles d’oignons et se trouve tout à fait à sa place dans cet univers qui sent la friture et le ketchup. La poutine est composée d’un lit de pommes de terre frites, sur lequel sont échoués des morceaux de fromage en grain, le tout étant nappé d’une sauce brune commerciale. La chose est vendue en divers formats, allant de la petite poutine tenant dans un gobelet de styromousse à la grosse poutine remplissant généreusement un grand plat d’aluminium. Omniprésente dans toutes les gargotes du Québec, la poutine a su profiter d’une campagne de marketing viral échelonnée sur quelques décennies, ce qui lui permet aujourd’hui de figurer au panthéon de la gastronomie (aïe) québécoise, au même titre que la tourtière et le pâté chinois (1).

On prête diverses origines à la poutine et plusieurs régions du Québec se disputent l’invention de la chose... j’ai envie d’ajouter : dans l’indifférence générale. En effet, quel serait l’intérêt de découvrir l’inventeur officiel du sapin désodorisant pour automobile? Ou du nain de jardin? Ou de la coupe Longueuil?

Partant de la recette originelle – patates, fromage, sauce brune – la poutine se décline en de multiples versions, au gré des ingrédients disponibles dans une cantine et de l’imagination parfois tordue des cuistots qui y officient : poutine galvaude (avec poulet et pois verts en conserve), poutine italienne (avec sauce bolognaise), poutine smoked meat, etc.

Depuis quelques années, il est de bon ton de réhabiliter et de revisiter les mets traditionnels ou populaires québécois et la poutine ne fait certes pas exception. Ainsi, des restaurants branchés de Montréal (et d’ailleurs, je suppose) – en particulier ceux-là qui surfent sur la mode du « néo-trad-revisitant-les-classiques-populaires-en-s’assurant-de-mettre-un-maximum-de-viande-et-de-féculant-mais-un-minimum-de-légumes-dans-l’assiette » (2) – servent-ils sans honte leur version maison de la poutine. On l’additionne volontiers d’ingrédients fins, tentant de justifier la facture salée, tout aussi salée d’ailleurs que la sauce brune poche qui sert par définition de toile de fond à ce plat médiocre. Mais on a beau y mettre des patates bleues, du cheddar vieilli quatre ans ou du fond de veau véritable, de la poutine, c’est de la poutine et par essence ça n'est pas terrible.

Cette tendance à vouloir réhabiliter la poutine, à lui prêter une noblesse nimbée de qualités patrimoniales voire gastronomiques me fait bien rire. La poutine n’est pas un mets traditionnel et n’a rien de noble. Le JELL-O est-il traditionnel? Les biscuits Whippet sont-ils nobles? Il faut savoir appeler un chat un chat et la poutine n’est rien de plus que du junk-food. Certains iront jusqu’à oser prétendre que la poutine est un mets du terroir. Terroir! Le mot galvaudé par excellence! D’abord, la patate frite n’est pas un mets du terroir, pas plus que la sauce brune commerciale, d’ailleurs. D’accord pour le fromage en grain frais, mais ce n’est pas suffisant pour que l’ensemble se qualifie. Si je mets du sirop d’érable dans un Big Mac, est-ce que ce dernier devient par magie un mets du terroir? Ça me fait penser à ces fermiers excentriques qui élèvent des autruches ou des émeus dans de quelconques recoins du Québec et qui nous passent les terrines produites à l’aide de la viande de ces volatiles des antipodes pour des produits du terroir!

Ceci dit, ma mauvaise foi n’ayant d’égal que ma franchise, j’avoue n’avoir goûté aucunes de ces poutines revisitées – j’allais écrire poutines de luxe, comme on dit poules de luxe – servies dans ces restaurants à la mode. Et je n’ai pas mangé de poutine tout court depuis des siècles. C’est que j’adore les pommes de terre frites, les bonnes, les vraies, et je considère que tout amateur de frites qui se respecte devrait se faire un devoir de boycotter la poutine, que celle-ci coûte trois piasses aux Roi de la Patate ou vingt-cinq dollars chez Faux chalet néo-trad du Vieux Montréal pour états-uniens fortunés. Une bonne frite doit avoir une surface croquante et un cœur mou. Quant à elles, les frites de la poutine, noyées dans la sauce brune, n’ont l’air que de ce qu’elles sont : des macchabées de frites qu’on repêche à coup de fourche d’un lac à l’eau boueuse.

Pour sa part, Jojo est totalement vendue à la poutine du Pied de cochon. À chacune de nos visites dans ce restaurant – qui est en quelque sorte le modèle que tentent d’émuler les restos néo-trad que je raillais plus haut – Jojo commande ce plat. La version PDC? Des frites, et celles-là sont vraiment bonnes, du fromage en grain frais – jusque-là, classique – une escalope de foie gras poêlée en équilibre sur le tas et l’ensemble nappé d’une sauce au foie gras décadente faite entre autres de sauce brune, de foie gras et de crème (3). Je continue de penser que c’est une erreur de gaspiller le croquant d’une bonne frite, mais j’avoue que pour une poutine, la chose a de la gueule. Ça ne me réconcilie pas avec ce mets bâtard, mais tout ronchon que je sois, je ne peux que m’émouvoir devant ma tendre moitié qui se délecte d’une poutine au foie gras.

Question de ne pas me faire taxer d’élitiste (ou de membre de la Clique du Plateau), je terminerai en évoquant le restaurant Chez Claudette, dont chaque item du menu, imprimé sur les napperons de papier, comportait à une certaine époque deux prix : un prix de base et un prix « avec poutine ». Je ne sais trop si c’est encore le cas, n’ayant pas visité l’endroit depuis quelques années (nous y allions régulièrement petit-déjeuner à une époque où nous habitions le quartier). J’avoue que le culot de proposer indifféremment une poutine en accompagnement d’un hamburger, d’une lasagne ou d’une déjeuner « deux œufs tournés bacon » force le respect. C’est la poutine – et le principe mystérieux de la cuisine canadienne – dans toute sa gloire.

Notes :
  1. Par ailleurs, les Québécois ont découvert avec amusement que Poutine était aussi un patronyme russe lorsque Vladimir Poutine est devenu Président de Russie (et bientôt roi du tsar-système). On notera aussi que la poutine râpée acadienne est un mets bien différent de la poutine québécoise, bien que ces mets homonymes aient en commun l’utilisation de pommes de terre et, disons, un degré de raffinement gastronomique très relatif.
  2. Cet excellent article de Marie-Claude Lortie de La Presse offre un portrait amusant de ce phénomène de mode.
  3. Ces détails sont tirés de l’album « Au pied de cochon ».