lundi 25 juin 2012

Ferreira Café


Je propose de faire une première visite dans cette institution montréalaise qu’est le Ferreira Café, où nous ne sommes encore jamais allés. Ouvert il y a plus de 15 ans, ce restaurant est souvent cité comme une des bonnes tables de la ville. Le patron, Carlos Ferreira, portugais d’origine, est devenu PDG d’un petit empire culinaire luso-montréalais, qui comprend le Ferreira Café, rue Peel, le Café Vasco da Gama, qui fait café, épicerie et traiteur à quelques pas de là, et le F Bar, dans son bunker de verre, sur la Place des Festivals. C’est donc attiré par la réputation de l’endroit, mais aussi curieux de découvrir un haut lieu de la gastronomie portugaise sis bien loin du petit Quartier portugais, que nous connaissons bien, que notre choix s’arrête sur le Ferreira Café (eh oui, Ferreira d’abord et Café ensuite, à l’anglaise).

Nous nous présentons donc au restaurant dûment munis d’une réservation, un must pour y avoir une table. Le resto est bondé. On nous fait patenter, le temps que se libère notre table. La salle, étroite et profonde, est flanquée sur une bonne partie de sa longueur d’un bar. Au fond, après avoir gravi quelques marches, une autre salle et les cuisines, ouvertes sur le restaurant. La salle présente un décor moderne, d’inspiration portugaise, en particulier ce mur décoré d’éclats d’assiettes de faïence. Après quelques minutes d’attente, on nous installe près du bar.

Oubliez les nappes blanches et l’atmosphère feutrée. Le Ferreira Café se la joue bistro urbain énergique. L’espace est plutôt bruyant. Est-ce pour couvrir le son des conversations ou pour créer l’ambiance? Le volume de la musique est fort, et ira en augmentant au courant de la soirée.

La carte propose principalement des classiques (ou des interprétations de classiques) portugais : beaucoup de fruits de mer et de poissons. On y trouve les incontournables sardines, calmars, pieuvre et morue. Miam. Ici, le soir, pas de formule table d’hôte, tout est à la carte (il y a cependant un menu à prix réduit en fin de soirée). Côté vin, la carte est généreuse et met bien entendu le Portugal à l’honneur. Par contre, le choix de vins au verre est très limité.

Nous commandons chacun une entrée et un plat. Mais quelques minutes plus tard, voyant des assiettes être servies et constatant que les plats ne semblent pas par défaut garnis de légumes, j’ai un remord. J’en parle au serveur et lui demande d’ajouter un à-côté de légumes grillés. (Si vous n’êtes pas à votre première visite ici, vous savez déjà que, tout gastronomique que soit un repas (et j’ai envie de dire surtout s’il est gastronomique), pour les Becs fins, il est primordial que des légumes y soient bien présents.)

En entrée, la salade de pieuvre grillée est composée de morceaux de tentacule encore tièdes, de cubes de pommes de terre, de quelques câpres, et d’un soupçon d’échalote. L’assiette est décorée d’une goutte de sauce piquante (piri-piri, sans doute), ce qui permet d’ajouter à loisir un peu de punch. Un plat simple, des ingrédients frais, le nombre limité d’ingrédients assurant que la pieuvre, à la chair tendre au goût délicat, demeure en vedette. Voilà une salade qui fait voyager et pour bien moins cher qu’un billet d’avion pour le Portugal ou l’Espagne.

Le gaspacho arrive dans un grand bol. La portion est généreuse. La soupe a de la texture, la préparation n’ayant pas été pulvérisée jusqu’à devenir parfaitement lisse. Ça goûte bon la tomate et le poivron. Encore une fois, simple et bon.

Suivent les plats. Pour ma part, la morue noire rôtie en croute de cèpes, réduction de porto. Le filet de poisson repose sur des pleurotes et une purée de pomme de terre. La cuisson du poisson est parfaite. On suspecte que la mince croûte de poudre de champignon a contribué à maintenir l’humidité dans la chair, ce qui lui donne une texture moelleuse, parfaite. Ça fond sur la langue. Les champignons et la réduction de porto viennent donner au plat un goût un peu corsé, fort agréable. Je me félicite d’avoir choisi un verre de rouge pour accompagner le plat.

Madame Becs fins a choisi le gratin de morue. C’est un peu, si vous voulez, la version portugaise du pâté chinois : un étagé fait de morue salée et de purée de pommes de terre, le tout coiffé d’un peu de sauce tomate. Le plat est décoré de quelques olives noires. J’imagine que c’est le genre de plat que vous servirait une lointaine matante portugaise. Je dis cela à la fois comme une qualité et un défaut : ça semble tout à fait typique (le mélange de morue et pomme de terre est un grand classique portugais), mais ça manque un peu de raffinement, surtout à 30$ l’assiette. Mais dans le genre, c’est réussi. Et le plat est copieux. La texture de la morue salée, qui possède une certaine rigidité, et son salé se marient bien à la purée. Purée qui manque cependant un peu d’assaisonnement, aux dire de Madame Becs fins.

Les légumes grillés arrivent malheureusement alors que nous avons presque terminé nos plats. Le serveur s’en excuse. Il semble que l’ajout d’un plat après la commande initiale ait créé un peu de confusion en cuisine. Le plat propose un mélange de carottes, courgettes et rapinis cuits à point et parfaitement assaisonnés.

Nous partageons un dessert (ou Madame Becs fins le partage avec moi, selon le point de vue). Il s’agit d’un fondant au caramel salé, glace aux amades. Le petit gâteau mi-cuit, aux saveurs rappelant un peu le pain d’épice (de la cannelle? du gingembre?) est généreusement nappé d’un caramel chaud. Le tout est accompagné d’une boule de glace aux amandes et de quelques fruits des champs. Le caramel n’est pas trop sucré, le gâteau bien moelleux, la glace possède un goût affirmé d’amandes. Très bon dessert.

Par contre, mauvaise note pour mon café allongé, fade, sans arôme, qui était bien en deçà de ce qu’on attend d’un restaurant de ce standing.

Comme je le disais plus haut, tout au long du repas, la musique semble se faire de plus en plus forte. Je finis par remarquer que depuis notre arrivée, on fait jouer le même disque à répétition. J’ai beau apprécier le genre, que je décrirais comme étant du flamenco-lounge, la répétition finit par m’agacer.

Le service est correct et son rythme, parfait. Seules fausses notes : le peu d’information fournie sur les vins offerts (disons que les vins du Portugal, moins connus que ceux d’autres pays vinicoles, exigent à mon avis un minimum de présentation pour le commun des mortels), ainsi que les légumes retardataires.

Notre verdict? Vous trouverez au Ferreira Café une cuisine simple, très bien faite, des ingrédients manifestement de qualité, dans une ambiance urbaine et branchée. Ferreira Café a beau être loin du Quartier portugais, c’est à n’en pas douter un fier ambassadeur de la gastronomie de ce pays, tout autant que Portus Calle, autre grande adresse portugaise à Montréal. Sachez cependant que le Ferreira Café offre une cuisine à la base plutôt simple, souvent rustique (il faut aimer les patates), à laquelle on peut avoir un peu de difficulté à accoler l’étiquette « de luxe » et à accorder le prix qui l’accompagne. Ça suscite le même genre de questionnement que dans certains restaurants italiens où on nous facture sans rire une assiette de pâtes simplissime à 30 ou 40 dollars.

Et Madame Becs fins fait dire que le F Bar, du même propriétaire, est une meilleure affaire.

Évaluation : ***1/2
Prix : Comptez environ de 60 à 90 $ par personne avant vin, taxes et service.

Ferreira Café [http://www.ferreiracafe.com]
1446, rue Peel
Montréal
Tél. : 514-848-0988
Réservation possible sur le site Web du restaurant.