dimanche 26 février 2012

À la recherche du gentil poisson

La maman des poissons elle a l'oeil tout rond
On ne la voit jamais froncer les sourcils
Ses petits l'aiment bien, elle est bien gentille
Et moi je l'aime bien avec du citron
La maman des poissons elle est bien gentille!

(Source: Wikipedia)

Nos choix alimentaires sont de plus en plus orientés par cette espèce de credo édicté par les chercheurs du domaine médical, les diététistes, les chroniqueurs du monde alimentaire et les médias généralistes. Notez que l’ordre de cette énumération n’est pas fortuite, les premiers nourrissant les suivants dans la chaîne (alimentaire) de l’information. Et nous, bon peuple, recevons comme des commandements ces édits, nous efforçons de nous y conformer, comme à une époque le bon chrétien connaissait par cœur son catéchisme et s’appliquait à vivre sa vie dans les limites des dix commandements et du sermon que le curé avait fait le dimanche précédent.

Le problème, c’est que cette doctrine alimentaire est en perpétuel changement et que ce qui était une vertu hier devient parfois aujourd’hui un vice; ce qui était un péché jadis peut soudain devenir une grâce.

Des exemples?
  • Le beurre contient du méchant gras animal, il vaut mieux manger de la margarine. Ensuite : La margarine contient du méchant gras hydrogéné, il vaut mieux manger du beurre.
  • Les œufs contiennent de méchants gras saturés : exit, les œufs. Puis, on se rend compte que les œufs, c’est une excellente source de protéine à bon marché et ça devient un aliment miracle.
  • La banane est un super fruit, énergétique, bourrée de potassium et quoi encore. Puis, un jour la banane est à proscrire : sa culture détruit les écosystèmes et la variété unique de banane que nous consommons est en voie d’extinction.
Je vous laisse compléter avec vos exemples favoris…

Ainsi, présentés depuis des années comme l’alternative obligée à la méchante viande rouge, les produits de la mer ont tout pour eux : c’est bon pour la santé, nous dit-on, il s’agit d’un bonne source de protéines, c’est peu gras, ou alors, le gras que ça contient a droit à l’appellation un peu magique de bon gras. Non mais, quel amateur de bonne chère peut être contre un concept aussi attrayant que du bon gras! Alors, soit. Mangeons davantage de poissons et de fruits de mer.

Le 128ième commandement

Or, ces dernières années, un nouveau credo s’est développé concernant le poisson et les fruits de mer : la pêche excessive, le dragage, certaines techniques de piscicultures, etc. mettent en péril les ressources et les systèmes écologiques aquatiques. Le poisson devient tout à coup moins vertueux. On nous dresse des listes d’espèces à éviter, qui comportent des produits aussi banals que la crevette et le saumon. Une fois au comptoir de poissonnerie, déchirés entre le 127ième commandement, « Poisson, tu mangeras », et le 128ième commandement, « Poisson mal pêché, tu ne mangeras point », nous ne savons plus très bien quoi faire. On se demande si la morue qu’on nous offre est en voie d’extinction. On scrute les crevettes surgelées, fasciné qu’elles nous viennent d’aussi loin (de Thaïlande ou de Chine) et on vient à se demander si les pauvres petites ont passé une belle vie de crevette. Et pour couronner le tout, on se trouve confronté à des espèces relativement nouvelles, aux noms bizarres et exotiques, comme le pangasius ou le tilapia (j’effleurais déjà la question ici il y a presque deux ans). Pangasius? C’est pas un dinosaure, ça?

Or, pour ce qui est de connaître l’origine de ce que l’on mange, pour ce qui est d’avoir le souci de ne pas détruire la nature et ne pas épuiser ses ressources, j’en suis. Ça ne relève pas du même dogmatisme que ces gens qui s’empêchent de manger tel ou tel légume parce qu’il n’apparaît pas dans le livre Les aliments contre le cancer ou qui évitent le vin blanc parce qu’il contient moins d’antioxydants. Il va de soi d’inclure dans ses choix alimentaires des considérations écologiques. L’accroissement combiné du nombre d’humains et de leur niveau de vie met une pression toujours plus grande sur l’exploitation des ressources disponibles, notamment l’eau, la nourriture et les matières premières. Dans les pays développés, en particulier en Amérique du Nord (y compris au Québec!) le niveau de vie frise souvent l’indécence, au point où il faudrait peut-être parler de niveau de luxe et de niveau de gaspillage.

Alors, qu’est-ce qu’il faut manger? Quels sont ces poissons et fruits de mer dits durables?

Le choix de David

Après quelques recherches, je trouve ce qui semble la version simple de la réponse à ma question : Les 10 meilleurs choix de produits de la mer de David Suzuki. En bref, voici ce que M. Suzuki nous propose :
  • Le maquereau.
  • La truite arc-en-ciel, l’omble chevalier et le saumon élevés en confinement total (pisciculture fermée).
  • Les crevettes nordiques capturées à l’aide de casiers.
  • Les moules, les huîtres, les pétoncles et les palourdes d’élevage.
  • Le homard.
Les gentilles crevettes nordiques (source: Wikipedia) 

La liste est courte. Je comprends qu’il s’agisse de « meilleurs choix » et non pas d’une liste exhaustive, mais ça limite considérablement les possibilités de menus et l’approvisionnement. Je constate aussi que cette liste propose des espèces du Québec, du Fleuve Saint-Laurent ou de l’Atlantique, privilégiant donc non seulement l’aspect « durable », mais local, ce qui est en soi une bonne idée. (Je remarque par ailleurs que la version anglaise de la liste est totalement différente et propose des espèces du Pacifique; ce clivage linguistique purement Est-Ouest me semble pour le moins simpliste!).

Mais là où ça devient compliqué, c’est qu’il n’est pas suffisant de faire ses choix uniquement selon la nature du produit acheté, par exemple l’espèce de poisson. Il faut également en connaître l’origine et par quelle méthode d’aquaculture ou de pêche il est issu. Par exemple, la liste de M. Suzuki précise : saumon élevé en confinement total et pétoncles d’élevage. Je ne sais pas pour vous, mais la dernière fois où, au supermarché, j’ai demandé au filet de saumon dans sa barquette de styromousse s’il avait été élevé en confinement total, il est demeuré muet comme une carpe. On peut bien sûr s’informer à son poissonnier (ou au serveur, au restaurant) de la provenance des produits. Et si l’on obtient une réponse – ce qui est loin d’être certain – encore faudra-t-il croire ces bonnes gens sur parole.

Bon. Disons que j’ai envie de manger du poisson qui ne soit ni du maquereau, ni de la truite. Disons que je veuille m’aventurer au-delà des meilleurs choix et goûter, allez, soyons fous, un deuxième choix?

Je pousse donc un peu mes recherches.

Les gentils et les méchants poissons

Je découvre le site de SeaChoice, un organisme canadien créé par la Société pour la nature et les parcs du Canada, la fondation David Suzuki, Ecology Action Center, Living Oceans Society et Sierra Club British Columbia. On trouve dans le site un guide pratique, disponible en anglais, ainsi qu’en chinois traditionnel. Les francophones dont le chinois traditionnel est un peu rouillé seront rassurés : une version en chinois simple est également proposée. Eh non, pas de version française: voilà un site typiquement canadien!

Un guide pratique, c’est bien, mais les plus branchés disposent d’outils bien plus puissants. Car j'ai aussi déniché deux applications pour appareils mobiles : l’application SeaChoice et l’application Ocean Wise. Ces deux applications ne sont malheureusement disponibles que pour les appareils iPhone et uniquement en anglais. L’application SeaChoice offre essentiellement une base de données des espèces marines, qu’on peut filtrer aisément selon trois catégories : Best, Concerns et Avoid. Pour sa part, l’application Ocean Wise offre une base de données similaire, quoique de consultation moins pratique. Elle propose aussi un outil de géolocalisation de restaurants et de commerces participant au programme Ocean Wise. Ce programme, une initiative de l’Aquarium de Vancouver, vise à améliorer l’offre des commerces canadiens participants (tout en faisant le marketing de sa marque). Je remarque que le répertoire des commerces participants est malheureusement de peu d’utilité pour les Québécois, avec seulement 16 participants à Montréal.

On voit que la documentation disponible est surtout en anglais. Ceci amène un défi supplémentaire aux francophones parce qu’il n’est pas toujours facile de connaître la traduction française exacte du nom des espèces marines.

Alors, que disent ces répertoires d’espèces marines de nos amis le tilapia et le pangasius?
  • Le tilapia d’aquaculture provenant d’Asie (dans notre économie made in China, je présume que c’est ce qui nous est offert) est à proscrire. À ce point-ci de mes lectures, le contraire m’aurait surpris.
  • Je ne réussi pas à trouver le pangasius dans le répertoire, ce nom étant trop général en anglais. Il s’agit d’un genre qui comporte plusieurs espèces. Rien non plus sous catfish. Par contre, selon Wikipedia, c’est un poisson d’élevage qui provient du Delta du Mékong en Asie, ce qui en fait sans nul doute un poisson à éviter.
C’est donc 2 à 0 pour le maquereau.

Le méchant tilapia (source: Wikipedia)

Que font les trois grandes chaînes d’alimentation canadiennes? Chacune fait valoir ses actions en matière d’approvisionnement en produits de la mer durables.

Je vous laisse juger si ces actions sont suffisantes à vos yeux. Mais notez que toutes ces chaînes vous proposeront à leur comptoir de poissonnerie les méchants tilapia et pangasius.

Adieu, poissons sauvages!

Peut-être faisons-nous partie des dernières générations d’humains à manger des poissons et fruits de mer sauvages. Comme la chasse et la cueillette furent jadis remplacées par l’élevage et l’agriculture, il semble que la pêche soit en train d’être remplacée par l’aquaculture. Ainsi, la nature des produits disponibles continuera de changer. L’aquaculture ne s’applique sans doute pas à toutes les espèces. J’espère pour vous que vous aimez la truite et le saumon, parce que ça pourrait peut-être un jour devenir les seuls poissons frais disponibles dans les frigos des supermarchés. Selon mon expérience de pêcheur sportif, une truite de pisciculture n’a pas la même apparence et le même goût qu’une truite sauvage : plus gras, plus gros, moins goûteux. Car si la pêche durable s’intéresse aux aspects écologiques, elle n’a que faire de la gastronomie. Il semble donc que nous devrons continuer à faire notre deuil de bien des choses. C’est très dommage, mais c’est un mal nécessaire.

Et puis, l’élevage mène naturellement à l’industrialisation et l’industrialisation mène souvent à l’artificialisation de la nourriture. Ainsi, aux États-Unis, le processus d’homologation d’un saumon transgénique va bon train (source : Le Devoir). Ce n’est sans doute qu’une question de temps avant que ce Frankenfish se retrouve dans nos assiettes (surtout dans le contexte d’un gouvernement canadien très favorable à la culture des OGM). Imaginez les belles piscicultures considérées « durables » et respectueuses de l’environnement, mais qui produisent des poissons OGM? Sauve qui peut!

Une solution qui demande des couilles

À mon avis, la seule façon bien informer le consommateur, de façon constante, claire et uniforme, serait un programme de certification et d’étiquetage par des organismes indépendant et crédibles. Cet étiquetage devrait s’appliquer au supermarché, à la poissonnerie et au restaurant, tant pour les produits frais que transformés. C’est le genre de chose que seule une intervention gouvernementale forte peut imposer, par exemple, par l’adoption d’une norme d’étiquetage national et obligatoire. Mais dans notre monde qui a peur des interventions gouvernementales, dans lequel les gouvernements sont obnubilés par les questions économiques, ce genre de scénario est malheureusement peu susceptible de se réaliser à court ou moyen terme. Déjà, les gouvernements canadiens et québécois se refusent à tout étiquetage des aliments transgéniques, alors imaginez si le développement durable les intéresse! À mon avis, la solution au problème demande des couilles. Et des couilles, comme les poissons, les gouvernements n’en ont pas.

En attendant, continuons à manger du poisson et des fruits de mer, mais demeurons vigilants, évitons les produits en danger ou de source douteuse. Référons-nous au besoin aux outils cités dans cet article. Nous vivons la fin d’une époque et il semble qu’il faudra faire notre deuil de certains produits. Et adapter nos recettes, voire abandonner certaines de celles-ci. La bonne nouvelle, c’est qu’on pourra par le fait même découvrir de nouvelles espèces, dont certaines sont locales et méconnues, voire oubliées.

Car bien que la méchante viande (rouge) soit énergivore, bien que le poulet soit maltraité, bien que le poisson devienne maintenant douteux, non, inutile d’insister, il n’est pas question que je me mette à manger du maudit tofu!

Mystérieux couteaux (Source: Wikipedia)

mercredi 8 février 2012

XO


Dans un billet précédent, je mentionnais le fait que selon moi, un resto devait nécessairement faire bonne figure au lunch, ce repas mineur constituant souvent la carte de visite pour le repas du soir. Or, j'ai malheureusement un autre exemple d'un resto ayant failli à cette tâche récemment : le XO. Nous avions, mes collègues et moi, gardé une excellent souvenir de notre dernière visite à cet établissement il y a 2 ans. D'où le désir d'y retourner. Mais quelle déception ce fût ! D'emblée nous constatons que le menu du midi a changé, semblant être dorénavant davantage orienté façon fast food « de luxe » ou « revisité », voire recettes de maman revampées. OK. Pourquoi pas, si c'est bien fait et si il y a une petite twist qui met le tout en valeur ?

Or, si les plats proposés au menu semblent prometteurs, la déception a tôt fait de teinter le sentiment général une fois les assiettes placées devant nous. Premier constat : la présentation est plutôt simpliste. Second constat : c'est bon, mais rien pour appeler sa cousine au troisième degré. Il est vrai que nos attentes étaient peut-être difficiles à combler, compte tenu de notre expérience antérieure très positive...

En entrée, nous avions choisi la soupe de saison qui s'avère être un potage de poireaux, le gâteau de crabe XO et les Calamari grillés. Mon gâteau de crabe est servi sur une rémoulade de céleri-rave avec mayonnaise au citron. Il est bon, quoique un peu sec, ayant certainement gagné à être accompagné d'une petite sauce. Les calmars grillés – accompagnés d'une salade de poulpe, daikon mariné, oignons verts, chili sucré et graines de sésame – sont réussis, mais il s'avère qu'à ce prix, 15$, c'est un minimum. Quant au potage de poireaux, je dirais qu'il est honnête mais qu'il ne redéfinit rien en matière de gastronomie.

La suite, constituée du Club Saint-James, du burger XO, des ravioli maison et de la salade César, s'inscrit malheureusement dans la même lignée. À 16$, je me serais attendue à ce que le club soit autrement plus intéressant et que le goût se démarque. Or, ce club goûte le... club. Je veux dire le genre de bon club sandwich qu'on peut se faire à la maison. Passons. En ce qui concerne ma salade César, je suis très déçue et ce pour au moins deux raisons. Primo, ma salade est presque entièrement composée de « trognons » de laitue romaine coupés en tronçons. Vous savez, la partie charnue au coeur de la laitue... Mais où sont passées les feuilles ? J'imagine qu'elles se sont égarées quelque part durant le processus. Malheureusement, je n'aime pas les trognons... Deuxio, il n'y a qu'un seul filet d'anchois dans l'assiette. UN ! Où sont les autres ? Probablement au même endroit que les feuilles de laitue... Bref, à 14$, j'ai l'impression de me faire, euh, comment dire sans utiliser de mot grossier... avoir ? Pour sa part, le burger est bon, mais comme tout le reste, il n'est pas à la hauteur de ce que laissait présager son prix annoncé sur le menu, soit 14$. Idem pour les ravioli.

Que je sois bien claire ici : tout cela n'est pas mauvais, au contraire. Le problème se situe au niveau de nos attentes déçues et du fait que pour le prix payé, nous avons franchement l'impression de ne pas en avoir pour notre argent.

Or, pour un prix moindre et à un jet de pierre de là, se trouve le Aix Cuisine du terroir qui offre le midi une table d'hôte autrement plus alléchante et raffinée !

Cependant, pour être tout à fait honnête, je dois absolument mentionner que le dessert que j'ai mangé, le pouding au pain chaud au caramel et au chocolat, était vraiment délicieux (et j'insiste sur le mot vraiment) et m'a presque donné le goût de revenir. Je dis presque, et tout le drame se situe là, car je crois sincèrement que je ne reviendrai pas. Ou plutôt, si j'y retournais, ce serait exclusivement pour ce délicieux dessert...

Évaluation : **½
Prix : Pour le lunch, compter entre 30$ et 40$$ pour une personne avant vin, taxes et service.

XO
355, rue Saint-Jacques
Montréal (Québec)
514.841.3111