jeudi 19 juillet 2012

La salle à manger


Mais quelle est donc cette manie à Montréal de nommer les restaurants de façon générique : La fabrique, Le garde manger, Le comptoir, Le hangar, Le local. À quand « Le restaurant »? Ça manque de personnalité, tout ça. Et c'est un peu mélangeant.

C'est où déjà la réservation, ce soir? Ah, oui : La salle à manger.

Ce n’est pas notre première visite à La salle à manger. Nous avions bien apprécié une précédente visite et nous étions promis d’y revenir. Connaissant l’endroit comme étant pas mal couru, nous tentons notre chance pour une réservation avec à peine deux jours d’avis. Coup de chance? Il y a de la place, on nous donne même le choix entre une table ou le bar. Nous choisissons cette seconde option, que nous apprécions bien et qui offre généralement un excellent point de vue sur les rouages d’un restaurant.

La salle à manger est sur l'avenue du Mont-Royal Est, coin Chambord, autant dire en plein milieu du centre de l'univers, tel que défini par certains animateurs radio de la ville de Québec, jaloux du fun que les gens ont l'air d'avoir sur le Plateau Mont-Royal. En tout cas, pas de doute, nous sommes ici en territoire branché.

D'abord, il y a la déco. Dépouillée, dans le style local semi-industriel. Le mobilier est recyclé, les tables et le bar sont faits de planchers d’allée de quilles ; quelques grandes tables sont bordées de bancs d’église. Des grands pans de mur sont en ardoise et on y inscrit à la craie les plats qui complètent la carte. Au fond de la salle, un frigo à viande exhibe par une vitrine quelques carcasses suspendues.

Ensuite, il y a les serveurs et leur look hipster. J'observe et conclus que si la chemise à carreaux est manifestement obligatoire, la barbe semble fortement recommandée et les tatouages, eux, facultatifs. Vous voyez le topo.

Pour tout dire, c’est tellement branché que si on oublie un moment qu’on est avenue du Mont-Royal, on se croirait presque dans le Mile-End.

Nous prenons place et sommes tout de suite un peu déçus de constater qu’il n’y a aucune personnalité connue dans la salle, alors que lors de notre dernière visite une bonne dizaine de vedettes faisaient bombance à la table voisine de la nôtre. Voilà où en est rendu le Plateau : les artistes se sont déjà tous réfugiés dans des restos du Mile End (ou de HOMA?). Qu’à cela ne tienne : je suis le seul à savoir qu'il y a dans la place la femme la plus extraordinaire du monde (je parle de Madame Becs fins, bien entendu).

C'est un samedi de canicule, il fait chaud et humide et nous analysons le menu, en quête de quelque chose de froid et de léger. La carte est longue et propose un bel assortiment de plats, sous les rubriques : Cru et mariné, Froid, Chaud, Végé, Viande et Poisson. On nous indique que les trois premières sections correspondent à des entrées et les trois dernières à des plats. Or, nous découvrirons que les entrées peuvent être passablement copieuses, et alors que nous espérons manger léger, nous finirons par nous goinfrer de belle façon.

Comme c'est l'usage dans certains restaurants, on utilise souvent ici des planches à découper en guise de plat de service. Permettez-moi de mentionner au passage que je ne suis pas un fan de la chose. D'abord, l'absence de rebord augmente les risques de dégâts (on comprend alors pourquoi l'assiette et le bol ont été inventés). C'est aussi un support un peu poreux, qui ne rend pas justice aux vinaigrettes, aux jus et aux sauces ; le résultat n'est pas aussi appétissant (et beau) que dans une assiette blanche. Enfin, ça laisse potentiellement planer un doute sur l'hygiène de l'objet, impossible à constater de visu, contrairement à une assiette.

Le service, assuré par le barman, est sympathique et décontracté ; mais venant d'un type avec une chemise à carreaux, difficile d'imaginer autre chose, n'est-ce pas? On peut aussi le voir préparer fort adroitement toutes sortes de drinks, ce qui est plutôt amusant. De notre position stratégique, nous pouvons aussi apprécier le travail de la brigade en cuisine. La salle est pleine et ça fourmille! Et, il faut le souligner, ce restaurant est très bruyant. L'atmosphère y est festive et c'est une adresse à éviter, disons, pour une demande en mariage ou pour l'anniversaire de votre vieille grand-mère.

Mais je crois que nous sommes rendus à ce point de la critique où le lecteur, impatient, demande : « Coudon, c’était-tu bon? »

Patience, j'y arrive! Nos choix se portent sur : la terrine de foie gras, l'assiette de charcuteries maison, l'assiette de burratina (une mozzarella fraîche) et saucisson à l'ail rôti, et le plateau de légumes. Ça donne, il faut le dire, beaucoup de bouffe pour un seul homme et sa fiancée. Mais nous faisons honneur à ces plats autant que faire se peut, car tout est délicieux.

Sans entrer dans une description détaillée de chaque plat, soulignons que la terrine et le burratina sont chacun accompagnés de belles salades composées de verdures très diverses. On est loin du banal mesclun. L'assiette de charcuteries maison compte pas moins de sept variétés de charcuteries, de la tête fromagée au saucisson sec, et tout est délicieux (ce plat est mon coup de cœur du repas). Le plateau de légumes est servi dans une grande assiette de service (une fois n'est pas coutume) et propose des légumes variés, carottes au beurre, rabioles laqués au miel, betteraves, etc., ainsi qu'un d'un fort sympathique fromage frais maison, à mi-chemin entre le cottage et le fromage en grain.

Pour nous faire pardonner de ne pas avoir terminé nos assiettes, madame Becs fins décide de commander un dessert, le Choco-caramel. Je la regarde grignoter la chose en ne l'aidant (presque) pas.

En conclusion, la salle à manger représente un bon rapport qualité-prix. On sent que l'argent va dans l'assiette plutôt que dans les nappes blanches, le décor moderne ou le costume des serveurs. Une cuisine « bistro moderne de qualité » pour laquelle, je l'avoue, j'ai un faible.

Bref, voilà un restaurant branché qui n'a pas volé sa réputation.

Évaluation : ****
Prix : Entrées (certaines copieuses!) de 10$ à 20$, plats de 23$ à 30$.

La salle à manger
1302, avenue du Mont-Royal Est
Montréal
Tél. : 514-522-0777

dimanche 15 juillet 2012

Bref éloge de Jacques Benoît

J’adore la prose et la philosophie du chroniqueur vin de la Presse, Jacques Benoît.

Son verbe est précis et il ne se lasse pas de vulgariser, définissant un terme spécialisé par-ci, expliquant un concept par-là. Vous ne verrez jamais Jacques Benoît poser en expert et jouer le curé en chaire qui tente d’imposer ses préférences. On le sent toujours conscient de la complexité de l’univers des vins et de l’extrême relativisme des goûts. Tout au plus soulignera-t-il qu’un vin sort des canons classiques en écrivant une formule telle que : « malgré tout très bon, dans son genre ».

Je découvre à l’instant que Jacques Benoît est aussi écrivain (six romans, un roman pour enfants et un essai biographique) et scénariste (La maudite galette et Réjeanne Padovani, c’est lui!). Voilà qui explique d’une certaine façon la grande qualité de sa plume comme chroniqueur.

Un exemple de ce que j’apprécie dans ses chroniques? Une phrase suffit. Ce week-end, Jacques Benoît  écrivait ceci : 

« Car comme toujours en matière de vin, il n'y a pas de règle absolue, chacun fait comme il l'entend. » 

I'll drink to that.

jeudi 12 juillet 2012

Wakamono



Je l'ai déjà mentionné à plusieurs reprises, et certaines personnes dont la langue aurait besoin d'une bonne séance de savonnage pourraient vaguement évoquer s'il s'agit de radotage de ma part, mais j'adore les tapas. En effet, le concept de pouvoir se régaler à partir d'un éventail de plats présentés en format réduit me réjouis complètement, un peu comme si c'était le Noël de la gourmande à chaque repas... Or, si ce concept est originaire de la péninsule ibérique, cette tendance culinaire a depuis plusieurs années fait des petits au-delà de sa contrée initiale au point où même la cuisine japonaise peut maintenant se targuer à son tour de servir sa version des tapas : la cuisine Izakaya.

Or le restaurant Wakamono a depuis un certain temps intégré à son menu une belle sélection de tapas japonais, ce qui évidemment, m'apparaît comme une fort bonne idée.

C'est donc afin de souligner l'anniversaire d'un ami que nous nous sommes présentés récemment à cet établissement de l'avenue Mont-Royal. La dernière fois que nous étions venus ici, la carte des tapas n'avait pas encore été ajoutée au menu, mais mon expérience d'alors, si ma mémoire est bonne, avait été positive, les sushis que nous avions mangés nous ayant plu.

La salle est vaste avec des murs à la brique et des panneaux en papier de riz rétro-éclairés. Très belle déco épurée, zen et accueillante. La carte des tapas, divisée en trois sections, tapas chauds, froids et frits, est assez diversifiée. Les prix varient de 4$ à 16$, les plats de riz et de nouilles, plus copieux (en format "demi-portion"), étant les plus dispendieux. Sinon, la plupart des tapas qui se présentent en format "entrée" se détaillent entre 6$ et 10$. Une carte de sushis est également proposée.

Mon amoureux et moi optons pour les gyoza au porc (petit chausson farci poêlé), les dim sum aux crevettes (chausson cuit à la vapeur) ainsi que ceux au porc, les légumes tempura et le riz frit aux légumes. Pour ma part, j'ajoute à cette sélection la salade Wafu, une salade avec carottes et concombre, nappée d'une vinaigrette wafu. Nos amis choisissent également des plats provenant de la carte des tapas, de sorte que nous pourrons lorgner à loisir dans les assiettes de nos voisins, voire même piocher un peu dedans, histoire d'élargir nos horizons. Ben quoi ? Tout foodie digne de ce nom ne recule devant rien afin de remplir sa mission, pas même d'afficher le comportement d'une mouette qui tournoie au dessus d'un McDo...

Ma salade est fraîche et croquante, la vinaigrette crémeuse à base de sauce soya insufflant à l'ensemble une touche typiquement nipponne. Les légumes tempura sont délicieux : la pâte est fine et croustillante et les légumes, tout juste assez tendres, mais pas trop. Les gyoza au porc sont succulents, la garniture étant bien goûteuse. Monsieur Becs fins et moi avons également beaucoup apprécié les dim sum aux crevettes et ceux au porc, bien moelleux. Mais que dire du riz frit, à part le fait qu'il était tellement bon que je continuais à en manger même si je n'avais plus faim, je veux dire, moi qui ne suis pas une fan du riz ? C'est tout dire. En réalité, il s'en serait fallu de peu pour que je me réveille la nuit afin de repenser à ce délicieux riz. À ça ainsi qu'au sort plus qu'incertain d'une tribu amazonienne découverte récemment et qui vit en autarcie. Mais là, je sens qu'on s'éloigne un iota du sujet...

Tout le monde autour de la table est ravi par ce qu'il a dans son assiette, nous y compris. Un seul bémol : le service était un peu lent, ce qui ne nous a pas permis de commander des desserts à cause de l'heure tardive une fois rendu à la fin du repas. Mais peut-être était-ce simplement parce que les coupes de vin affichant encore un niveau non-négligeable, le serveur a interprété cela comme le signe de convives qui étirent nonchalamment le souper. Ce qui fait que pour essayer les desserts, nous devrons revenir, ce qui de toute façon, était dans nos plans à plus ou moins court terme.

Évaluation : ***½
Prix : Compter environ 30$ par personne avant taxes et service.
Renseignements supplémentaires : Restaurant "Apportez votre vin". De plus, Wakamono est un établissement où un groupe d'une dizaine de personnes, voire plus, peut être installé à son aise et ce, sans gêner les amoureux attablés autour.

Wakamono
1251 Mont-Royal Est
Montréal
514.527.2747