lundi 15 août 2011

Des tics et des blogueurs

La semaine dernière, les Becs fins étaient en vacances. Nous nous étions retirés dans les bois, à l’écart de toute civilisation et parfaitement à l’abri des ondes hertziennes. Là, nous avons lu des livres, fait du canot, observé des animaux sauvages et concocté des petits mets de camping, tels le hot-dog et la soupe en boîte. Lorsque nous sommes revenus en ville vendredi dernier, nous empestions encore le feu de camp, nous étions tatoués de piqûres de maringouins et j’avais une barbe de quelques jours. Nous nous sommes frayés un chemin dans le trafic jusqu’à la maison et, en voyant tout ce monde, en entendant tout ce bruit, en respirant cette pollution, nous avons certes eu envie de faire demi-tour, de retourner dans le Nord, d'abandonner notre vie et nos obligations, et de renouer avec ces racines sauvages qui habitent tout Québécois, oui, nous avons passé à deux doigts de fuir la ville et partir vivre pour de bon dans les bois, y vivre comme des êtres primitifs, à nous nourrir de hot-dogs et de soupes en boîte. Mais, bien sûr, il y a cette hypothèque à payer et ces trucs à terminer au bureau, et les amis, et les plaisirs de la vie en ville, et notre blogue, bien sûr, car en effet, de quoi parlerions-nous dans notre blogue si nous redevenions des êtres primitifs, de hot-dogs et de soupes en boîte, peut-être?

À peine étions-nous rentrés que, rattrapant le fil de l’Internet, nous découvrions que Twitter avait généré un buzz dans le petit monde des gastronomes amateurs (foudizes) québécois. Tout semble avoir commencé par deux articles de Nathalie Collard dans son blogue du journal La Presse (ici et ), à propos de l’ouverture du restaurant Laurier BBQ (pardons : le Laurier Gordon Ramsay), puis d’un article de Gina Desjardins dans le blogue Triplex de Radio-Canada, le tout suivi d’un déluge de retouittage. En gros, on dénonçait le fait que des blogueurs, achetés par des invitations et des cadeaux d’entreprises privées, perdraient tout sens éthique et touitteraient et blogueraient et facebouqueraient à qui mieux-mieux tout le bien qu’ils pensent des entreprises privées en question (et leurs produits) en oubliant de mentionner qu’ils avaient accepté une faveur. Le résultat serait ni plus ni moins que de la pub déguisée dont les blogueurs (et touitteurs) seraient les complices. Exemple : lorsqu’un blogueur se fait inviter par le propriétaire d’un grand resto et qu’il touitte en direct à quel point le foie gras poêlé ou les gnocchis aux truffes sont délectables sans dire qu’il ne paye pas l’addition, il fait preuve d’un manque d’éthique flagrant.

À lire cela, notre première réaction fut la surprise. Y a-t-il réellement des blogueurs qui se font inviter dans les grands restos (voire une rôtisserie) sur le bras du patron? Ciel! A-t-on manqué un épisode? Je tiens à rappeler aux propriétaires de grands restos que pour les invitations, notre adresse de courriel se trouve sous l’onglet À propos du présent blogue!

Plus sérieusement, nous sommes évidemment tout à fait d’accord avec l’opinion de Mme Collard. Profiter d’une plogue, s'en faire l’apôtre et ne pas mettre les choses en contexte, c’est franchement poche. Chez les Becs fins, nous croyons qu’être blogueur nous donne justement l’indépendance d’exprimer nos opinions et de partager notre passion de la bonne bouffe sans devoir rien à personne. D’ailleurs, il suffit de cliquer sur l’onglet À propos de notre blogue pour y lire notre ligne de conduite : notre blogue est « totalement indépendant et libre » et, ajoutons-nous : « Nous sommes de vrais humains et ne sommes pas affiliés à une entreprise, à un groupe agroalimentaire ou à une marque. » De toute façon, nous sommes bien trop insignifiants et, comme le diraient les gestionnaires de contenu, notre cercle d’influence est bien trop petit, ce qui fait qu’aucune entreprise ne nous a jamais sollicités. Tant mieux pour nous. Et gare à celles qui le feront : qui sait, notre objectivité/subjectivité pourrait, sans égard aux faveurs obtenues, nous faire mordre la main qui nous nourrit!

Quant au Laurier Gordon Ramsay, je dirai simplement qu’a priori, l’art du poulet barbecue ne me semble pas mériter qu’on y accole une quelconque aura gastronomique (svp, ne me partez pas sur la poutine et les mets de cantines revisités!). Je comprends que Monsieur Chose aime sauver les restaurants traditionnels, mais la réouverture du Laurier ne me dit rien de plus que si on lançait, mettons, le restaurant La Paryse Martha Stewart (ceci dit sans manquer de respect à la très respectable institution du hamburger qu’est la Paryse).

Bref, soyez rassurés : ici, aux Becs fins, nous continuerons à dire ce que nous pensons, à être broche à foin, à être nous-mêmes, à vous faire part de nos coups de cœur en toute subjectivité et à jouer parfois les ronchons. Car chez les Becs fins, malgré nos tics, nous nous targuons d’avoir l'éthique, à défaut d’avoir la toque!

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