dimanche 2 octobre 2011

Du snobisme gastronomique


Il n’est pas rare que les chroniqueurs de la chose culinaire et autres foudizes amateurs, par leur recherche de ce qui est exclusif, rare ou tout simplement tendance, en viennent à pratiquer un pédantisme, volontaire ou non, qui finit par énerver un peu. On grince volontiers des dents en voyant Anne-Marie Withenshaw tout sourire se faire payer la traite dans les restaurants de Montréal et ses environs à l’émission Guide restos Voir. Devant la caméra, les serveurs et maîtres d’hôtel se fendent littéralement en quatre pour Anne-Marie et son invité(e); on leur propose les meilleurs plats et les meilleurs vins, devant une caméra qu’on devine pas du tout cachée. On se dit qu’on a rarement droit à toutes ces attentions quand on sort au restaurant et surtout pas les moyens de se payer ces bouteilles à 100 dollars. Idem quand une Josée di Stasio ratisse la planète à la recherche des produits, chefs et boutiques les plus pittoresques, cette chère Josée si décontractée, à tu et à toi tant avec la vendeuse de cette boulangerie mythique de Provence (qui moud elle-même sa farine à l’aide d’une meule millénaire) que cette fameuse chef vancouveroise, vous savez, celle qui a initié cette mode du manger vrai ou du retour à l’approvisionnement hyper-local ou du néo-traditionnel biologique ou quelque chose du genre. On se dit souvent que nous aussi, si on continue religieusement à collectionner des milles de récompense AIR MILES™ chez IGA, peut-être pourra-t-on un jour aller s’acheter nos tomates ancestrales dans un marché public de Toscane.  Aussi, à lire les Marie-Claude Lortie de ce monde, en venons-nous parfois à nous dire qu’en effet, au fond, on n’est qu’à quelques heures de vol de l’Islande, alors pourquoi pas se prendre une réservation pour vendredi soir prochain dans ce fameux restaurant de Reikjavick, celui qui sert son légendaire boudin de morse sur un lit de pergélisol comestible. Enfin, il y a aussi tous ces foudizes qui mentionnent dans leur blogue et leur fil Twitter les restos pas du tout bon marché qu’ils fréquentent, comme s’ils se payaient une bouffe gastronomique à tous les soirs de la semaine.

Bien sûr, nous convenons qu’une émission de télé ou une chronique (voire un blogue) sur la bouffe ne peut se limiter à parler de trucs inintéressants et banals. L’article sur l’art de la pomme de terre bouillie ne peut en effet que tomber à plat.  Il faut se forcer un peu, trouver le bon sujet, déceler la tendance, le truc spécial qui titillera le lecteur. Et les blogueurs parleront évidemment des bons restos qu’ils visitent.

Il m’arrive donc de craindre que notre blogue ne puisse donner l’impression que nous ne sommes que des snobs ou des parvenus sortant à tous les week-ends dans les meilleurs restaurants de la ville et nous complaisant à afficher ici notre mode de vie vachement trendy et jet set. J’ose espérer que certains articles plus humbles publiés ici contribuent à contrer en partie cette image; je pense par exemple à ces recettes ultrasimples (du genre : comment faire un sandwich) ou à ces suggestions de produits qu’on peut trouver dans à peu près n’importe quel supermarché. Les Becs fins ne sont pas millionnaires et bien loin de nous l’idée de péter plus haut que le trou. Et puis, si certaines personnes investissent leur argent dans un SUV ou un bain à remous extérieur, pour notre part, nous aimons nous payer un bon resto (et un voyage à l’étranger) à l’occasion.

Tout cela pour vous prévenir du sujet de mon prochain article : nous avons testé pour vous les olives sphériques de Ferran Adrià – oui, oui, le fameux plat-signature du grand (et très médiatique) chef catalan – lors d’une réception donnée dans un chic club privé de Madrid. Article à venir, d’ici une semaine, je l’espère.

Mais pour le moment, je dois vous laisser, Gontran, notre major d’homme, m’annonce que le petit-déjeuner est servi. Et je déteste que mon caviar soit trop chambré.

4 commentaires:

  1. Quelle justesse cette remarque! Ceux qui sont blasés par la simplicité ne comprennent probablement pas vraiment le plaisir de manger. Il est important d'ouvrir ses horizons mais l'art de la nourriture n'est certes pas accessible à tous comme tente de le faire croire la démocratisation de l'art actuel par exemple. Ces blasés vont souvent regarder de haut ce qui est maison, simple et/ou accessible. Je suggère qu'ils retournent aux bases du goût, de la sensation et de la perception de la nourriture et les effets qu'ils ont sur eux et non de se concentrer majoritairement sur ce qui est trendy et fashion. Et cela n'a rien à voir avec une bouteille de vin à 1475$. Allez voir mon blogue sur chatouillerlequilibre.wordpress.com et vous verrez que nous pouvons tous tripper autant sur un sandwich au baloney qu'une cuillère enrobée de feuilles d'or avec du caviar d'esturgeon.

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  2. Encore une fois je ne peux qu'être d'accord avec vous. Plusieurs personnes de mon entourage(9des gens près) lisent mon blog et ne font que comme commentaires: vous êtes TOUJOURS au resto. Oui, mais c'est un choix. Ma voiture a plus de 235 000 km au compteur et par conséquent est payée depuis longtemps et je ne m'achète pas du linge à toutes les semaines (contrairement à d'autres) alors ça me laisse de l'argent pour faire ce que j'aime le plus c'est-à-dire me payer une bonne bouffe au resto. Ceci étant dit pas besoin pour moi que le resto soit cher. Des tacos authentiques de chez La Matraca à 10$ par personne sont tout aussi satisfaisants qu'un souper ailleurs à 150$ par couple.

    Ça me pue aussi un peu au nez tous ses opportunistes qui pullulent à la télé, ce qui fait que j'ai volontairement arrêter de regarder certaines émissions de Canal Évasion qui au lieu de me faire rêver me faisait enrager...

    Saluer Gontran de ma part! :-)

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  3. Merci à vous deux pour vos commentaires passionnés qui me donnent envie d’ajouter un petit complément à mon billet :

    - Le phénomène que je me suis amusé à caricaturer est beaucoup dû au fait qu'à se passionner pour un sujet précis, on finit inévitablement par s'intéresser à des choses hyper pointues qui ne peuvent que paraître futiles au commun des mortels. Changez "gastronomie" pour "automobile", disons, et vous vous retrouvez avec des gens qui s'intéressent à des pots d'échappement à haute performance, à des enjoliveurs de roues qui tournent même quand l'auto est à l'arrêt ou à des voitures allemandes de luxe hors de prix. Au-delà de la valorisation des produits de luxe, c'est l'hyper spécialisation qui me fait aussi rigoler.

    - Je n'ai absolument rien contre, par exemple, les produits biologiques, les tomates ancestrales et les aliments dont on connaît intimement la provenance. Tout cela est très vertueux et d'en parler dans les médias (et les blogues) ne peut que conscientiser monsieur et madame Tout-le-monde (dont moi) et tirer (un peu) l'industrie alimentaire vers le haut. Par contre, d'en faire une fixation et de donner l'impression qu'on ne met dans son frigo que la crème de la crème de la qualité supérieure alimentaire devient carrément du snobisme. Mettons que je serais curieux d’aller voir si les évangélisateurs culinaires ont tous un potager urbain sur le toit de leur maison (ou une poule urbaine dans leur jardin)…

    - Ce n’est pas parce que je fais des blagues sur Josée di Stasio ou M-C Lortie, par exemple, que je n’apprécie pas leur travail.

    Bon, je dois y aller, c’est l’heure du thé. Gontran m’a préparé un thé Chai équitable du Rajasthan oriental et des madeleines de farine d’épeautre cultivée selon les principes de la biodynamie.

    Allez, ciao, ciao!

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  4. Vous m'avez fait bien rire par la justesse de vos propos.... c'est vrai les olives de Ferran Adria? Il ne prenait pas sa retraite justement cette semaine?

    au plaisir de vous relire.

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