dimanche 13 juin 2010

Laloux


Le restaurant Laloux est une de ces rares institutions culinaires à Montréal qui semblent survivre au passage du temps. Dieu sait qu’à Montréal, les restos ont trop souvent la vie dure et la vie courte, mais d’aussi loin que je me rappelle, Laloux a toujours été là, sur le coin de l’avenue des Pins et de l’avenue Laval. Si certains restaurants survivent parce qu’il s’agit d’établissements familiaux qui perpétuent sur le long terme des traditions culinaires (je pense par exemple aux Rites berbères, sur de Bullion, dont il faudra bien reparler ici un de ces quatre), pour sa part le Laloux semble devoir son brand name à ses faits d’armes passés. C’est que l’histoire récente de ce bistro haut de gamme est pour le moins mouvementée.

C’est ici que nous nous devons de faire l’historique du Laloux, passage obligé de toute critique de ce restaurant. (J’ai reconstitué cet historique à partir de diverses sources disponibles sur le Web et il est possible que certains détails ne soient pas parfaitement justes.)

Le restaurant Laloux a été fondé en 1987 par Philippe Laloux, qui n’y resta qu’un an (Philippe Laloux s’est depuis consacré à mille et une activités, dont la chanson, comme on l’append sur son site web). Si j’ai bien compris, Armand Forcherio (aujourd’hui au Nizza) lui aurait succédé. Mais il semble que le Laloux ait connu son âge d’or de 1992 à 2006, alors qu’André Besson (aujourd’hui Chez Lévêque) officiait comme chef. Je crois comprendre que ce sont ces quatorze années qui façonnèrent la réputation de la maison. Suite au départ de Besson, le restaurant Laloux semble avoir vécu une bien mauvaise passe, jusqu’à l’arrivée en 2007 de deux jeunes chefs, Danny St-Pierre et Patrice Demers (chef-pâtissier), qui redonneront au Laloux ses lettres de noblesse. Quelques émissions de À la Di Stasio plus tard, les deux chefs sont devenus des vedettes de la gastronomie québécoise. En 2008, Danny St-Pierre part à Sherbrooke ouvrir son propre restaurant (l’Auguste). Il est alors remplacé par Marc-André Jetté. L’année suivante, Jetté et Demers quittent tous les deux pour le Newtown. Entre en scène Éric Gonzales qui demeure chef moins d’un an. Enfin, en février dernier Seth Gabrielse prenait le relais, secondé par la chef-pâtissière Michelle Marek, laquelle a fait ses premières armes aux côtés de Patrice Demers au même Laloux. Ouf!

Au moment d’écrire ces lignes, Seth Gabrielse était toujours chef du Laloux...

Les optimistes diront que le restaurant Laloux est une superbe pépinière de nouveaux talents. On est peut-être aussi en droit de se demander si quelque chose ne cloche pas dans la gestion de ce resto… Mais peu importe! L’honnêteté commande de juger un restaurant sur le résultat et celui-ci ne nous a pas déplu!


La salle de style bistro chic est très belle, mais comme il faisait bon ce samedi soir-là et que l’ensoleillement des soirées de juin s’étire en longueur, nous avons opté pour la terrasse. Jolie petite terrasse très privée (quoique peut-être un peu bruyante à cause des bus de l’avenue des Pins) qui est située à l’avant du restaurant, sous un auvent. En ce week-end du Grand Prix de Formule 1, nous avons l’impression que presque tous les autres clients sont des touristes américains. On en conclut que la réputation du Laloux tient la route, malgré son histoire pleine de rebondissements.

Le Laloux propose une cuisine de bistro de luxe, composée d’éléments classiques du répertoire bistro (foie de veau, ris de veau, magret de canard), avec un soin et une touche créative digne d’un restaurant haut de gamme. La carte propose une table d’hôte constituée de deux entrées, d’un plat et d’un dessert, tous imposés. Nous optons plutôt pour la carte, question de composer notre propre menu.

En entrée, Madame craque pour le « foie gras poêlé, salade de pomme et thym, beurre d'amande et brioche ». Le foie gras est servi sur un pain brioché, accompagné de touches d’une gelée et de beurre d’amande. Verdict : cuisson parfaite, excellent, mais peut-être un peu frugal pour le prix (20$). De mon côté, je choisis la « verrine de crevettes nordiques, céleri, pomme, espuma à l'estragon et chips de topinambour ». Dans une verrine, trois couches se superposent : un mélange de cubes de céleri et de pomme verte, par-dessus, de belles crevettes nordiques, le tout coiffé d’une mousse à l’estragon. Le mélange des saveurs est parfait, c’est bien goûteux, frais, estival.

Pour se donner bonne conscience après le foie gras, Madame avait fait un choix végétarien : « Légumes farcis, sauce tomates fumées et poudre d'olive ». La grande assiette présente courgette et aubergine farcies à la duxelles de champignons, mini-poivrons farcis à la ratatouille et tomate farcie au fromage de chèvre, le tout servi avec des asperges. Joli assortiment, estival et réjouissant, formant un bel équilibre des saveurs. Et les légumes sont croquants tout juste comme il le faut. Pour ma part, j’avais arrêté mon choix sur le « Ris de veau, raisins rôtis, panzanella au levain maison, vinaigrette au Pedro Ximenez ». La panzanella est par définition une salade incorporant du pain rassis. Ici, le ris de veau repose sur des morceaux de pains imbibés d’une vinaigrette crémeuse. Des raisins cuits, toujours sur leur grappe, accompagnent le plat. Le ris de veau est à la fois tendre et bien grillé en surface, le crémeux de la vinaigrette (ou sauce?) et le sucré des raisins se marient très bien. Tout cela est ma foi fort bon, et je vide mon assiette, bien que je ne sois pas d’habitude un fan des plats mettant en vedette du pain détrempé.

En guise de dessert, nous avons goûté le « Pot-de-crème au chocolat, caramel et sel Maldon » et la « Crème à l'orange Séville, crumble d'avoine, suprêmes d'agrumes, glace et caramel bière noire ». Superbe dans les deux cas : on profite chez Laloux de l’expertise d’une chef-pâtissière et ça paraît.

Le service? Peut-être la maître d’hôtel nous a-t-elle semblé d’humeur un peu rude : un trait de caractère qu’on est d’avantage habitué de voir à Paris qu’à Montréal. Mais le service fut courtois, quoique peut-être un peu expéditif. Le rythme d’arrivée des plats était comme je l’aime, preste sans bousculer le client (je n’aime pas trop les restaurants où on a l’impression d’avoir été oublié).

Le Laloux demeure une excellente adresse à Montréal. Je ne suis pas gêné une seule minute que ce resto fasse partie du circuit des touristes fortunés. Souhaitons-lui maintenant de trouver une certaine sérénité et de permettre au chef actuel et à son équipe de développer leur talent dans la durée : nous espérons qu’ils seront tous encore à l’œuvre à notre prochaine visite!

Évaluation : ***½

Restaurant Laloux, 250, avenue des Pins Est, Montréal. Table d’hôte à 55$ (ou 85$ accompagné de vins en accord). À la carte, comptez une cinquantaine de dollars par personne avant vin, taxes et service.


(Les photos ont été copiées du site web du restaurant Laloux).

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