dimanche 8 août 2010

Le 51 : Déception charlevoisienne

En bon montréalais snob et condescendant que je suis, j’ai de gros préjugés concernant une certaine gastronomie de province. Ces préjugés, il est important de le préciser, ne sont pas issus d’une pure mauvaise foi, mais le fruit d’expériences malheureuses vécues dans des restaurants de diverses régions du Québec. Tout en jouant sur le concept hyper-flou du « terroir », ces établissements proposent souvent une conception très kitch de la gastronomie. En toute méchanceté, j’appellerais cette cuisine de la « gastronomie de matante ». Son équivalent en hôtellerie serait ces B & B dont les chambres sont décorées comme des maisons de poupées; vous savez, ces chambres avec lit à baldaquins, tapisserie fleurie et dentelles? Certains trouvent ça joli, moi je trouve ça cucul. En restauration, ça donne : pâte filo, fruits sucrés et pétales de fleur. Je ne sais trop pourquoi, mais cette cuisine affectionne particulièrement l’utilisation de fruits dans les plats salés: on met des fruits partout, dans tous les plats, avec toutes les viandes. Le problème, c’est que l’accompagnement d’une viande avec un fruit est une entreprise de haut vol. Il ne faut surtout pas tuer le goût de la viande, il ne faut pas rendre le plat écœurant parce que trop sucré, il faut aussi que le fruit qui accompagne le plat se marie autant à la viande qu’aux accompagnements présents dans l’assiette. Bref, à ne pas mettre entre les mains du premier « chef » venu! Mais, bon, on fait du tourisme, on se cherche un resto, on se fie aux grandes lignes de la carte affichée à l’extérieur de l’établissement, il y a l’enthousiasme qu’on ressent pour une région qu’on aime découvrir – on est en vacances après tout et la vie est belle! – et on se rend compte qu’on s’est fait avoir seulement au moment où on nous sert l’assiette. Et ça se confirme quand on y goûte. Ces établissements ne sont pas nécessairement des attrapes-touristes; on ne cherche pas à vous arnaquer; vous êtes seulement la victime de restaurateurs candides ou maladroits. Ou d’une matante aux fourneaux.

(Bon, avant de m’envoyer des colis piégés, sachez que la diatribe ci-haut n’est pas une généralisation : il existe d’excellents restos dans toutes les régions du Québec.)

Or donc, nous (les Becs fins) nous sommes loués la semaine dernière une jolie maison dans Charlevoix avec des amis. Nous comptions bien nous faire de bonnes bouffes, mais avions aussi prévu une soirée au resto. Très conscients des pièges que constituent les restaurants gastro-kitchs décrits plus haut, nous décidâmes de nous en remettre aux conseils d’une source que nous jugions fiable et objective : le Guide Restos Voir. Après une petite recherche dans le guide, notre choix s’arrêta sur le restaurant Au 51 à Baie-Saint-Paul, confiants que grâce à la cote de 4 étoiles attribuée par le guide pour sa cuisine, c'est-à-dire « très bonne table », nous ne pouvions nous tromper.

Mais cette soirée s’avéra malheureusement décevante.

La carte du 51 souligne à gros traits (littéralement) les produits régionaux. On n’y voit aucun « émeu du terroir » au menu, ce qui rassure. On propose un choix varié d’entrées (pour environ 9 $ à 15 $) et de plats (pour environ 20 $ à 24 $), offerts à la carte. Je note au passage que 5 des 8 entrées comportent des fruits.

On nous apporte d’abord une mise en bouche. Dans une toute petite verrine, un étagé de betterave, de pois et d’une mousse crémeuse au pesto. Fort bon et original.

Ensuite, les entrées.

D’abord, l’entrée de « Baluchon Rôti au Foie Gras et Migneron, Pleurotes Champivoix, Compote de Pommes aux Épices et Chicoutai ». Précisons que le Migneron est le célèbre fromage de Charlevoix et que la chicoutai est ce fruit de la côte-nord aussi appelé plaquebière. Dans l’assiette, un baluchon de pâte filo repose sur une préparation aux fruits. Autour, des quenelles de compote de pomme et des touches d’une préparation sucrée, sans doute de la confiture ou de la compote de chicoutai. Le tout est saupoudré de quelques pétales de fleurs. Eh oui, la Sainte-Trinité y est au complet : pâte filo, fruits sucrés et pétales. Nous cherchons en vain le foie gras dans le baluchon. Il y a bien quelques morceaux de pleurotes, mais le goût est complètement occulté par les fruits sucrés. Ça donne une espèce d’entrée-dessert.

Ensuite, l’entrée de « Pétoncles des îles de la Madeleine poêlés, Sauce Rhubarbe et dés de Mangue, Purée de Pois Chiches, Crumble au Piment d’Espelette ». Chacun des 4 petits pétoncles est posé sur de la purée de rhubarbe. Première constatation : les pétoncles ne sont pas cuits comme on pourrait s’y attendre de « pétoncles poêlés ». Vous savez cette petite couche de chair caramélisée qui goûte si bon? Eh bien, elle n’y est pas. Blêmes, les pétoncles. De plus, le goût délicat du bivalve est perdu dans la compote de rhubarbe. De son côté, la purée de pois chiche est légère et permet de se reposer le palais.

Suivent les plats.

Le « Filet de Poisson frais selon arrivage du Jour Poêlé aux Agrumes Sauce Beurre blanc à la bière de la MicroBrasserie ». Ce jour-là, le poisson du jour est la raie. Sa cuisson est impeccable et ça fond dans la bouche. Très bon.

Le « Duo de Ris et Rognon de Veau Saveur poêlés, Sauce au Vinaigre Balsamique de Modène » déçoit. Les abats sont à peine tièdes. Le ris de veau souffre du même problème que les pétoncles : on les a blanchis, d’accord, mais a-t-on oublié de les faire sauter? Les abats sont nappés d’une épaisse sauce au vinaigre, qui a la couleur et la consistance d’une sauce au chocolat. Il y en a beaucoup trop, ça prend toute la place dans l’assiette et en bouche.

Dans les deux cas, ces plats sont accompagnés de diverses préparations aux légumes : mini-courgette farcie, étagé de légume, purée. Dans tous les cas, c’est pas mal mais un peu fade.

Alors que je tente de nettoyer les rognons de toute cette sauce au vinaigre, je m’ennuie de l’excellent rôti de palette (tomates et romarin, cuit lentement tout l’après-midi) que nous a préparé notre amie Sonia l’avant-veille.

Le service est sympathique, quoique lent… Comme je l’ai déjà mentionné ici, je  n’aime pas trop quand le service s’étire et qu’on a l’impression d’avoir été oublié. Mais c’est probablement encore un tic de montréalais stressé, n’est-ce pas?

Tout ceci étant dit, on dirait que quelque chose clochait dans notre expérience à ce resto. Le 51 et son chef ont gagné des prix, sont abondamment cités comme des incontournables de la région dans tous les sites web traitant de Charlevoix, la critique du Guide Resto Voir est bonne… Je me dis : « Peut-être n’avons-nous pas fait des choix heureux dans le menu? » Pour ensuite reconnaître que s’il existe des choix malheureux dans un menu, c’est déjà un problème. Peut-être le chef est-il en vacances et le cuistot qui le remplace peine-t-il à livrer la marchandise? Bref, grosse déception, compte tenu du prix. Tout au plus, un succès mitigé pour un restaurant qui se veut gastronomique.

Et malheureusement, cette soirée ne fait que me conforter dans mes préjugés de montréalais snob et condescendant. Tant pis.

Ah, j’oubliais : c’est la dernière fois que je me fie au Guide Resto Voir pour choisir un restaurant.

Évaluation : **

Au 51, 51, rue Saint-Jean-Baptiste, Baie-Saint-Paul. Menu à la carte, pour environ 40$ par personne avant vin, taxes et service.

1 commentaire:

  1. Hahahaha, vous m'avez bien fait rire avec votre Ste-Trinité!

    Je trouve qu'effectivement le GRV manque un peu de crédibilité quant aux critiques de restos de régions. Mes parents demeurent à Tremblant alors j'en sais quelque chose. On dirait qu'ils prennent les + populaires et ils se disent si c'est populaire ici ça doit être les meilleurs.

    Malheureusement, c'est plate de tomber sur un mauvais resto. J'espère que votre prochaine expérience sera plus concluante! :)

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