lundi 21 mai 2012

Le Saint-Amour


Ce week-end à Québec est l’occasion de visiter pour la première fois une institution culinaire de la capitale : Le Saint-Amour. En plus d’avoir remporté plusieurs distinctions, son chef, Jean-Luc Boulay, est devenu en quelque sorte une vedette populaire de la télévision grâce à sa participation comme juge à l’émission Les Chefs!. M. Boulay y joue son rôle de juge avec sérieux et rigueur, répétant inlassablement ses thèmes fétiches : « Respect du produit » et « De l’amour dans l’assiette ».

C’est donc avec un préjugé favorable que nous nous rendons dans cet établissement d’une rue tranquille du vieux Québec.

On nous installe dans le jardin intérieur, vaste salle à la végétation abondante, dont une partie du plafond vitré laisse passer les derniers rayons du crépuscule. Le décor est quelque peu hétéroclite, avec ses boiseries peintes d’inspiration art nouveau, son mur de pierre et ses nombreux miroirs. On dirait le croisement entre un bistro parisien dix-neuvième, une maison ancestrale du vieux Québec et un intérieur moderne. Signes que nous sommes dans un restaurant haut de gamme, les nappes blanches sur les tables, les fauteuils confortables, les couverts de qualité.

La carte offre une formule « menu inspiration » de quatre services à 63$, le « grand menu découverte » de 8 services à 115 $ et divers plats à la carte, incluant des plats de foie gras, une spécialité de la maison. La carte des vins est impressionnante, à l’image de l’imposant cellier, installé à l’étage et qu’on peut admirer au hasard d’une visite aux toilettes. Le site web du restaurant indique que plus de 12 000 bouteilles reposent dans la pénombre derrière cette vitrine! Par ailleurs, nous remarquons que le choix de vins au verre est cependant assez restreint.

(Photo tirée du site du restaurant)

Nous optons pour le menu inspiration.

Le potage aux légumes, appelé « crémeuse maraîchère à la livèche », est spectaculaire. Surmonté d’une mousse (alias sabayon) à la truffe et d’un trait de vieux vinaigre balsamique, cette soupe est une explosion de saveur. Le goût des légumes, le parfum de la truffe, l’acidulé et la douceur du vinaigre, voilà un plat d’apparence simple, mais qui s’avère bien plus qu’un vulgaire potage. Très belle entrée en matière.

L’entrée est un duo de canard. D’un côté de l’assiette, une préparation froide, présentée à la manière d’un petit tartare, est composée de magret fumé et de petits dés de courge et de courgette. On apprécie le goût de fumé qui rappelle le bacon, marié à la fraîcheur des légumes. De l’autre côté de l’assiette, ce qu’on désigne « bonbon », soit une petite boule d’une préparation de confit de canard et pommes, enrobée de pacane hachée et fixée au bout d’un bâtonnet, comme une sucette. Ce bonbon marie le gras du confit et le sucré de la pomme. Voilà une entrée jolie, ludique et savoureuse.

Comme plat, madame Bec fin avait choisi le tile de mer (un poisson) et pétoncles, crémeux de poireaux au safran, riz noir. La sauce est bien safranée, crémeuse, la cuisson des pétoncles est bien entendu parfaite et le poisson, fondant. Le riz noir fait contraste avec la chair blanche du poisson, effet classique et toujours gagnant.

J’avais pour ma part fait le choix du veau, tombée d’asperges vertes, risotto à la roquette, sauce crème au fromage bleu et caramel de betterave. La longe de veau est fondante, la sauce au bleu goûteuse, sans exagération. Au moment de servir le plat, le jus de betterave sur la sauce crémeuse n’est pas du plus bel effet, donnant l’impression de séparer la sauce. Par contre, une fois tout ça mélangé, la sauce prend une couleur rose plus harmonieuse. Le risotto apporte une fraîcheur qui tranche agréablement sur la sauce au fromage. Excellent.

Nous apprécions tous deux la présence dans l’assiette de légumes, que les restaurants dits gastronomiques oublient trop souvent de servir ou alors cachent sous la viande en s’excusant presque. Le légume frais et généreux dans l’assiette est pour moi le luxe suprême, en notre ère de nourriture à rabais venue de l’autre bout du monde. Il n’y a pas que le foie gras et la viande dans la vie. Tout chef qui se respecte devrait se donner comme mission de rendre intéressant les légumes de saison.

On me propose un verre de Bourgogne, puis un verre de Cabardès, tous deux excellents (et facturés 17$ le verre, quand même).

Enfin, pour terminer, le dessert : une soupe de fruits, brownie, glace à l’ananas. Un brownie, coiffé d’une quenelle de glace, trempe dans un sirop de fruit. Le tout accompagné d’un pavé qui vient ajouter du croquant (et un bon goût de beurre). Ce n’est pas mauvais, mais l’idée d’un brownie qui trempe dans un sirop de fruit va à l’encontre à ma conception très conservatrice de ce gâteau. C’est le plat qui m’a semblé le plus ordinaire du repas.

La soirée est agrémentée par le spectacle d’un groupe de fêtards à la table voisine, que nous qualifierons de touristes par égard pour les bonnes gens de Québec. En particulier, cette madame d’un certain âge passablement amochée, dans une robe longue du plus mauvais goût, qui monte aux toilettes aux dix minutes. À chaque fois qu’elle passe près de notre table en titubant, nous nous demandons si elle ne va pas se prendre les pieds dans sa robe et faire une chute. Malgré le manque de classe des fêtards, le personnel demeure stoïque et professionnel.

Nous quittons le Saint-Amour ravis, nous disant qu’il n’est jamais trop tard pour découvrir une institution. Nous avons trouvé au Saint-Amour une cuisine chaleureuse, à la fois classique et créative, et qui carbure à la qualité. Respect du produit! De l’amour dans l’assiette!, répète Jean-Luc Boulay à la télé. Eh bien, nous le confirmons, le Saint-Amour est l’incarnation parfaite de la philosophie de son chef.

Évaluation : ****½
Prix : Entrées de 13$ à 24$. Plats de 40$ à 45$ environ. Formule inspiration à 63$ et menu découverte à 115$. Tous prix avant vin, taxes et service. Sur semaine, le restaurant propose un menu du midi en table d’hôte d’environ 18$ à 30$, que nous suspectons être un excellent rapport qualité-prix.

Restaurant le Saint-Amour
48, rue Sainte-Ursule, Vieux-Québec
Québec (Québec)
Tél.: 418 694-0667

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